Comme un accord

À la manière de la publicité pour une célèbre boisson sans alcool qui ressemble à s’y méprendre à son équivalent alcoolisé, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, et le président des États-Unis, Donald Trump, sont tombés d’accord sur un compromis commercial qui fixe à 15 % le supplément de droits de douane sur les importations de biens européens aux USA. De l’avis général des membres de l’UE, cet « accord » est très déséquilibré en faveur des Américains, mais il a le mérite d’exister, et une absence totale d’accord se serait traduite par une augmentation de 30 % à compter du 1er août.

Le scénario était déjà écrit de la main de Donald Trump, qui utilise toujours la même stratégie pour obtenir des conditions avantageuses de ses « partenaires ». Il met la barre très haut en général, jusqu’à doubler les droits initiaux si le pays concerné menace de mesures de rétorsion, pour aboutir à une proposition plus raisonnable, mais très élevée, assortie d’un ultimatum pour en forcer l’acceptation. Pour l’exemple, il peut même aller jusqu’à une minuscule concession en faveur des bons élèves qui auraient été les plus prompts à passer un pseudo-accord, telle que la Grande-Bretagne qui obtient un rabais à 10 % sur certains produits. Bien que la Commission européenne fasse bonne figure, le Royaume-Uni pourra se prévaloir d’une prime au Brexit, en consolation des multiples désavantages de ne plus faire partie de ce grand marché. Cette stratégie de marchandage, très basique, fonctionne avec la plupart des pays, à l’exception notable de la Chine, dont la puissance économique lui permet de soutenir le rapport de forces imposé par Donald Trump.

Le cadre général étant fixé, il restera à négocier les dispositions particulières. Pour la France, le secteur des vins et spiritueux et notamment le cognac devrait échapper au pire, ainsi que le luxe et la mode. De même, Safran, l’entreprise française qui fabrique les moteurs pour l’avionneur américain Boeing, serait épargné pour ne pas pénaliser les Américains eux-mêmes. Officiellement, on se félicite de cet accord, qui permet de sortir de l’incertitude, mais on espère des améliorations sur le plus possible de sujets. La Commission européenne voulait un accord à tout prix, pour ne pas risquer la rupture ou l’enlisement de discussions interminables, quitte à offrir à Donald Trump une victoire de prestige facile, qu’il pourra utiliser sur la scène internationale et devant son opinion publique. Sans être mis en grande difficulté, le président américain, critiqué de toutes parts, avait besoin d’un succès pour redorer son image et se préparer à une campagne importante pour des élections de mi-mandat décisives pour la suite de sa présidence. Il détient pour le moment la majorité dans les deux assemblées et la plupart des sièges de la Cour suprême, il aura donc forcément du mal à tout conserver.