La gourmandise
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 14 août 2016 10:58
- Écrit par L'invitée du dimanche
On peut s’étonner que ce que l’on appelle souvent un péché mignon soit aux yeux de l’église un péché capital, c’est-à-dire un péché qui ouvre la porte à d’autres péchés tels que la cupidité, l’égoïsme, l’envie…
Cette envie désordonnée de boire ou manger quelque chose qu’on aime sans en avoir besoin, est condamnable par son excès : manger sans faim, boire sans soif est aussi grave que de se prêter à la sexualité sans but de procréation !
Dans la Bible, la première désobéissance d’Adam et Ève a été modifiée par la gourmandise (envie de la pomme) autant que par l’envie d’égaler les pouvoirs de Dieu promis par le diable, la première tentation de Jésus de changer les pierres en pain pour mettre fin au jeûne de 40 jours qu’il avait décidé, ne l’a pas conduit à sacrifier à la gourmandise ? Ésaü a vendu son droit d’aînesse pour savourer un plat de lentilles ! La chute de l’humanité a été suscitée plus par la gourmandise que par l’argent et le sexe.
Voilà donc une activité assez naturelle constituée en interdit. La gourmandise lève des questions fondamentales de notre rapport à la nourriture, avec les attentats à la vie des animaux et à la nature pour survivre. Laquelle nourriture peut être considérée comme une souillure à cause de son rôle avec les viscères et le sang, et peut conduire à des pathologies comme la boulimie, l’anorexie, et à des excès appelés goinfrerie, gloutonnerie.
Les trois grandes religions monothéistes se préoccupent du rapport de l’homme à la nourriture en instituant règles et interdits : aliments kasher ou halals et des jeûnes comme le ramadan ou le carême. (Dans les monastères et les couvents, moines et moniales étaient contraints au vœu de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, il leur restait la bonne chère, se rendant coupables alors du péché de gourmandise, le jeûne et le carême étaient là pour les appeler à y renoncer !)
La psychanalyse lie la gourmandise à la relation mère enfant : être gourmand c’est rechercher un état rassasié comme dans la vie intra-utérine où l’on n’avait jamais faim ni soif, et c’est aussi peut-être le plaisir de dépasser l’interdit du plus jeune âge de « ne pas manger maman » et une revanche sur les frustrations : pas manger trop, pas trop vite, pas ceci, pas cela…
Aujourd’hui, l’écolo diététique réglemente l’alimentation à la place des religieux, et l’on essaie de remplacer la gourmandise par la gastronomie, les gourmands par les gourmets. Il y a 10 ans, une vingtaine de personnalités a demandé sans succès au pape Jean-Paul II de « dépénaliser » le péché de gourmandise, en le remplaçant par celui de goinfrerie !!!
Comme en tout, la modération étant de règle, rien ne doit empêcher d’apprécier la nourriture, de prendre plaisir à boire et à manger, voire, comme Brillat-Savarin, d’élever la gourmandise au rang de vertu ! Et si c’est un péché, je dirais avec Oscar Wilde : « la meilleure façon de se débarrasser d’une tentation c’est d’y succomber » et bon appétit…
L’invitée du dimanche