Souriez, vous êtes virée

Au début des années 2000, le slogan de l’enseigne, c’était : « avec Carrefour, je positive ». Depuis 2015 les publicitaires ont fait encore plus fort avec un néologisme crétin : « j’optimisme ». Et c’est vrai qu’il faut une bonne dose d’espérance, ou d’inconscience, pour travailler pour le compte du numéro un de la grande distribution en France, comme en témoigne la mésaventure survenue à Anne, agent de sécurité dans le magasin Carrefour de Port-de-Bouc. Cette femme de 49 ans élève seule ses 2 enfants depuis le décès de son mari. Son crime ? Avoir accepté de récupérer des sandwiches périmés pour améliorer l’ordinaire.

Avec 1250 euros par mois, Anne n’a pas fait la difficile quand son collègue qui réapprovisionne le distributeur de sandwiches destinés au personnel lui a proposé les quelques sandwiches devenus invendables, bien qu’encore comestibles, plutôt que de les jeter à la poubelle. Grossière erreur ! Alertés on ne sait comment, des agents de sécurité interceptent le préposé aux sandwiches au moment où il va les déposer dans la voiture d’Anne, qui est illico accusée de vol. La direction de Carrefour exige le licenciement de la vigile auprès de son employeur, une société de surveillance et de sécurité. Apparemment, cette entreprise ne tient pas à se séparer d’Anne, puisqu’elle lui propose une mutation, mais le trajet serait trop long, et Anne envisage un licenciement à l’amiable. On en serait là si la presse locale n’avait raconté l’histoire, faisant à l’enseigne une publicité très négative. La direction se justifie en indiquant que les produits périmés sont donnés systématiquement aux associations caritatives. Mouais. Anne aurait dû aller aux restaurants du cœur, selon eux. Sauf que la règle est différente pour les sandwiches, gérés par une société externe à l’entreprise qui a toute latitude sur ses excédents éventuels.

Enfin, un journal national comme le Parisien ayant repris l’information, c’en est trop pour Carrefour qui se découvre une fibre philanthropique et se déclare « sensible à la situation de l’employée » en proposant de l’accueillir dans son magasin de Port-de-Bouc dans un accès soudain de générosité. S’il en était besoin, au moment où le Sénat s’apprête à réécrire la loi travail, nous avons un nouvel exemple de l’arbitraire patronal, qui peut décider de prendre ou de donner dans une relation totalement déséquilibrée. Et ce n’est pas un référendum d’entreprise qui pourra éviter ces abus de pouvoir. Vous savez quoi ? Je pessimisme.