Génération spontanée
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 6 avril 2016 10:52
- Écrit par Claude Séné
On a beaucoup glosé sur la génération X, née entre 1966 et 1976, qui succédait à celle des baby-boomers, ceux qui avaient fait Mai 68 avant de rentrer dans le rang en remplaçant les mandarins qu’ils avaient contribué à déboulonner. Puis sont venues les générations Y et Z, avec une tendance à l’individualisme malgré une vie sociale virtuelle de plus en plus développée, parfois au détriment de la vie réelle. Avec de temps en temps des poussées de fièvre comme en 2006 quand Dominique de Villepin voulait imposer un contrat première embauche au rabais, ou en 1994 contre le projet de SMIC jeunes voulu par Édouard Balladur, ou encore plus ancien, le projet de loi Devaquet destiné à instaurer une sélection à l’entrée en université.
À chaque fois, la mobilisation de la jeunesse a eu raison de ces projets dirigés contre elle et les divers gouvernements ont été contraints d’abandonner ou d’amender profondément les textes incriminés. On comprend la prudence, pour ne pas dire plus, avec laquelle le gouvernement actuel observe la mobilisation contre le projet de loi travail présenté par Myriam El-Khomri, et sur lequel le pouvoir joue sa tête. D’autant plus que cette contestation ne se contente pas de prendre les formes traditionnelles de manifestations de rue, mais qu’elle s’appuie sur une pétition en ligne qui continue à recevoir des signatures bien au-delà du million déjà recensé et sur une forme d’occupation de l’espace public, baptisée « Nuit debout » par ses promoteurs.
Voilà déjà 6 nuits que la Place de la République à Paris est squattée par une foule de plus en plus fournie, à grand renfort de duvets, de tentes et de couvertures. Elle est évacuée le matin par les forces de l’ordre et se reforme le soir. Les discussions vont bon train, non seulement sur la loi-travail, mais aussi sur les institutions et toutes sortes de sujets, y compris le sort réservé aux réfugiés. On pense bien sûr aux indignés grecs ou espagnols dont le mouvement a débouché sur la formation de Syriza ou de Podemos. Comme eux, les manifestants français prônent la démocratie directe et ne se reconnaissent aucun dirigeant, pas plus qu’ils n’acceptent les formations traditionnelles autrement que comme observateurs. Ce qui n’empêche pas le mouvement de se structurer en organisant l’intendance et de s’étendre en faisant des émules dans plusieurs villes de province. Voilà que cette génération que l’on disait individualiste et matérialiste est en train de démontrer sa capacité à créer un véritable changement en profondeur, et l’on se prend à rêver debout.
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