Cohabitation
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 31 mars 2016 10:22
- Écrit par Claude Séné
En entendant François Hollande déclarer « qu’il constatait que l’Assemblée nationale et le Sénat n’étaient pas parvenus à se mettre d’accord sur un même texte » et « décider de clore le débat constitutionnel » sur la déchéance de nationalité, j’ai pris brusquement conscience qu’il n’aurait pas dit autre chose si nous étions en situation de cohabitation. Comme si, lui, président, il était confronté à une majorité hostile, comme cela a pu être le cas de Mitterrand ou de Chirac en leur temps. À la différence de ses prédécesseurs, le premier ministre et le gouvernement sont encore acquis à sa cause, surtout depuis qu’en sont partis les plus contestataires, dont l’ex-garde des Sceaux, Christiane Taubira.
Mais ce gouvernement n’a plus de majorité, sacrifiée sur l’autel du libéral-socialisme. Au lieu de tenter de rassembler son camp, si tant est qu’il en ait un, François Hollande a préféré brouiller les cartes en cherchant le soutien de ses adversaires naturels. Ce qui aurait pu passer pour une habileté manœuvrière, se servir de la force de son adversaire pour lui faire mordre la poussière comme au judo a tourné au fiasco sur le plan tactique et en termes d’image. L’effet de ce renoncement ne peut être que désastreux dans l’opinion, mais la droite a peut-être rendu service au pays en bloquant une réforme inutile et dangereuse, qu’elle avait pourtant approuvée quand Sarkozy la proposait et que Hollande la critiquait.
La majorité parlementaire existait cependant bel et bien quand les législatives ont porté les socialistes et leurs alliés au pouvoir en 2012 dans la foulée de l’élection présidentielle qui avait vu le rejet de Sarkozy, plus que la victoire de Hollande. La gauche avait même la majorité au Sénat, une conjoncture exceptionnelle qui n’a d’ailleurs pas duré. Il fallait profiter de cet alignement des planètes pour discuter des textes de fond, proposer les réformes constitutionnelles éventuellement nécessaires, marquer la rupture avec le capitalisme et l’ennemi dénoncé au Bourget, la finance. Rien ne prouve que les résultats économiques auraient été meilleurs ou que la lutte contre le chômage aurait été plus efficace, mais au moins la gauche aurait été fidèle à ses valeurs et à ses engagements. Quitte à périr, autant le faire les armes à la main. Au lieu de quoi, François Hollande a décidé de prendre la droite à contre-pied en appliquant sa politique dans l’espoir de se constituer une majorité de rechange. Le résultat est évident : il risque de torpiller durablement le camp progressiste, sans même pouvoir espérer sa propre réélection.