La surenchère perpétuelle

Voyons. Quelle est la vague sur laquelle il est le plus facile de surfer en ce moment ? J’ai ! L’horreur suscitée par les lâches attentats de Bruxelles et le sentiment d’impuissance qui en découle. Que faire ? Une loi, bien sûr ! Et c’est Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate déclarée récemment aux primaires de la droite, qui a dégainé la première. Sa brillante idée, inspirée d’un vieux projet de loi du FN, serait de rendre la perpétuité perpétuelle pour les auteurs de crimes terroristes. Déjà, on se pince. La perpétuité, ça veut bien dire ce que ça veut dire, non ?

Les Américains parlent de prison « for life » (à vie), mais certains états ont encore la peine de mort et leur arsenal législatif est très différent du nôtre puisqu’un délinquant peut voir sa peine reconduite ad vitam aeternam, selon le bon vouloir du juge. La France, elle, prévoit des périodes incompressibles pendant lesquelles un condamné définitif ne peut solliciter aucun aménagement de sa peine. Un projet examiné actuellement prévoit de porter à 30 ans pour les terroristes cette période, contre 22 ans en ce moment. La proposition de NKM, pour laquelle elle a lancé une pétition en ligne, serait de rendre la période de sureté illimitée dans le temps, comme cela se fait déjà pour les auteurs de crimes contre des enfants ou des policiers.

Le fantasme qui sous-tend cette proposition c’est évidemment l’idée qu’un Salah Abdeslam puisse être libéré et renouveler ses attentats meurtriers. En réalité, quand un délinquant a purgé sa peine de sureté, il est très loin de pouvoir obtenir des aménagements et encore plus de pouvoir sortir de prison. Cela signifie simplement que ses avocats peuvent déposer une demande, à condition qu’elle soit solidement argumentée, et c’est le juge d’application des peines qui l’examinera.

Ce que la demande de NKM implique, c’est la croyance dans l’intangibilité de la personnalité d’un criminel, que l’on ne croit capable d’aucun amendement, aucune évolution pendant la totalité de son existence. On ne s’attache qu’au côté punitif de la prison et son côté protection de la société, sans jamais prendre en compte le côté rééducatif de la peine. En réalité, on dénie la qualité même de personne humaine aux auteurs d’actes aussi horribles, dont on ne veut à aucun prix reconnaitre l’appartenance à notre espèce. Ce que voudraient NKM et consorts, c’est une excommunication des brebis galeuses, et si possible pour l’éternité. Mais, selon Woody Allen, l’éternité c’est long, surtout à la fin.