Tempêtes dans des bénitiers

Après les querelles dignes de Clochemerle pour décider des villes qui auront le privilège d’accueillir les institutions des grandes régions, place aux controverses pour baptiser ces nouvelles entités. Une occasion de se déchirer à belles dents entre les partisans d’un statu quo, du moment que c’est leur dénomination qui prévaut, les tenants d’acronymes plus ou moins abscons à la manière de la région PACA, ou encore les supporters de noms tirés de nulle part, plus exotiques les uns que les autres. Et ce sont les gens du Nord qui s’y sont collés les premiers.

Avec un résultat plutôt surprenant. Pour ne vexer ni les Picards, fiers de l’être, ni les Ch’tis du Nord et du Pas de Calais, c’est l’appellation « Hauts-de-France » qui l’a emporté, officialisant ainsi l’erreur qui consiste à parler du bas pour le Sud et du haut pour le Nord. Les heureux habitants de la nouvelle région ont ainsi échappé aux dénominations de Terres du Nord ou de Nord de France, géographiquement plus justes. Pour ne fâcher personne, les anciens noms serviront de sous-titre. Le président de la région a respecté un semblant de démocratie en consultant la population, mais au bout du compte, c’est le conseil régional, tout attaché à sa cause, mis à part les 57 élus Front national, qui a tranché.

Et les discussions vont bon train dans les autres régions qui doivent choisir leur nom de baptême avant le 1er juillet. Certaines propositions semblent sorties tout droit d’une série d’héroïque fantaisie du genre Game Of Thrones. Qui connait l’Austrasie, cet ancien royaume franc de l’époque mérovingienne ? Ou encore Acalie, mot forgé sur les initiales d’Alsace, Champagne, Ardenne et Lorraine ? Les internautes s’en sont donné à cœur joie en proposant le nom de Terre du milieu à la manière de Tolkien, ou de En bas à droite pour renommer la région PACA. Tant qu’à y être, pourquoi ne pas remettre au goût du jour les provinces de l’ancien régime, aux noms tellement évocateurs, chargés d’histoire. Mon enfance a été bercée de récits de contes et de légendes autour de ces régions mythiques.La Guyenne et la Gascogne, l’Aunis et la Saintonge, la Flandre et l’Artois… On rebaptiserait la Bretagne du joli nom de Brocéliande. Mais je rêve, comme dans une publicité du Crédit lyonnais. Georges Frêche, l’ancien maire de Montpellier et président du Conseil régional en son temps, avait imaginé de rebaptiser le Languedoc-Roussillon en Septimanie. Une lubie, rejetée par ses concitoyens et qui n’a jamais vu le jour.