Mauvais joueur

Qui donc ? Mais l’état, par la voix de son préfet dans le département du Nord, qui n’a rien trouvé de plus urgent à faire que de s’opposer à l’ouverture d’un camp de migrants sur la commune de Grande-Synthe, devenue tristement célèbre par les conditions « d’accueil » du site sauvage qui s’y était installé spontanément. Alors que les installations de la « jungle » sur le site du Basroch, pourtant manifestement déplorables et porteuses de risques pour la salubrité de ses habitants, n’empêchaient pas le préfet du Nord de dormir sur ses deux oreilles, le camp flambant neuf respectant les prescriptions internationales en la matière serait, lui, un danger mortel pour ses occupants, car « hors-normes ».

Sur un terrain de foot, on hésiterait sur la couleur du carton à adresser au gouvernement, dont le préfet n’est que le représentant : jaune, comme le rire contraint suscité par le ridicule de la situation, rouge, comme le sang des migrants qui ont traversé l’Europe entière au péril de leur vie, ou rose, comme une gauche qui a perdu tout sens du respect qu’elle doit à ses propres valeurs ? Pourquoi tant de haine ? De quoi se sont rendues coupables les organisations humanitaires qui patronnent le projet et le maire écologiste qui accueille les baraquements ? D’avoir rendu un peu de dignité aux réfugiés dont les enfants peuvent à nouveau aller à l’école et jouer dehors, de leur offrir des conditions de vie décentes et un minimum d’hygiène ? Essentiellement, c’est parce que le nouveau camp ne rentre pas dans les plans du ministre de l’Intérieur qui consistent à déporter les migrants dans des centres d’accueil disséminés sur tout le territoire. Une stratégie qui peine à séduire les réfugiés dont le but reste évidemment la Grande-Bretagne, laquelle préfère aller faire ses courses directement en Turquie ou en Syrie pour choisir ses immigrants plutôt que d’ouvrir sa frontière avec la France.

Bernard Cazeneuve aurait visiblement préféré laisser pourrir la situation à Grande-Synthe, comme à Calais, où les conditions d’insalubrité de la jungle lui ont permis de justifier l’évacuation de la partie sud du campement. Une politique qui a favorisé la dispersion des réfugiés dans toute la zone et renforcé la précarité de leurs conditions de vie, car bien peu ont envie d’aller tenter leur chance à Guéret ou dans la France profonde. Même s’ils ne sont que de passage, ces candidats à une vie meilleure ont droit à autre chose qu’un bidonville.