Habent papam

Oui, je sais, la formule traditionnelle dit : « nous avons un pape » et non : « ils ont », mais je me doute que pour beaucoup d’entre vous l’élection du nouveau président de la FIFA, Fédération internationale de football association, revêt un caractère anecdotique, pour ne pas dire futile, quand tant de problèmes autrement plus sérieux agitent la planète. Difficile cependant de rester complètement à l’écart de cet évènement après le battage médiatique qui a entouré la chute de son précédent dirigeant, Joseph Blatter, et la révélation de scandales de corruption à grande échelle autour de cette association supposée à but non lucratif.

Le football est devenu une véritable institution qui brasse des sommes considérables et les résultats des équipes ou l’attribution des compétitions est également un enjeu politique. Ce n’est pas un hasard si Wladimir Poutine a été parmi les premiers à féliciter Gianni Infantino, le nouveau président de la FIFA pour les 4 années à venir. La politique au sens large a sans doute causé la perte du concurrent malheureux d’Infantino : les ONG accusaient en effet le prince Salman d’avoir participé dans son pays, le Bahreïn, à la répression contre des athlètes opposés au régime.

Le nouveau président aura la lourde tâche de redonner à la fédération une image plus satisfaisante après les nombreux soupçons de corruption et les fraudes avérées qui ont entaché son fonctionnement depuis l’avènement du sulfureux Joao Havelange entre 1974 et 1998, faisant de la FIFA une véritable mafia, qu’il transmettra en l’état à son secrétaire général, Joseph Blatter. On souhaite bien du courage à Gianni Infantino, si tant est qu’on puisse lui accorder ce crédit, car il est lui-même le produit du sérail, ayant exercé la fonction de secrétaire de l’Union européenne aux côtés de Michel Platini, disqualifié pour des soupçons de connivence avec Blatter. Quoi qu’il en soit des qualités personnelles du nouveau dirigeant du football mondial, sa tâche sera compliquée du fait du péché originel de l’association. En effet, chacune des fédérations nationales compte pour une voix, quel que soit la taille du pays ou le nombre de ses licenciés. On comprend aisément que le représentant du Liechtenstein ou d’un petit pays africain parmi les 209 membres de l’organisation soit très courtisé et que la tentation de s’assurer de son vote moyennant finances ou petits services entre amis soit très présente. Le nouveau pape aura-t-il le courage de donner un coup de pied dans la fourmilière et de réformer profondément les institutions ? Personnellement, j’en doute.