Fortune carrée
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 15 janvier 2016 10:20
- Écrit par Claude Séné
Depuis quelque temps, une voix me susurre à l’oreille à quel point elle aime sa banque. Ami lecteur, sauras-tu déchiffrer le message que j’ai crypté à dessein afin de ne pas rajouter de publicité gratuite à une réclame insidieuse et pour tout dire mensongère ? Si je suivais l’exemple de ce jeune homme bien sous tous rapports, il paraitrait que je réaliserais des économies très substantielles, jusqu’à des 360 euros par an. Oui, vous avez bien lu : 360 euros ! Une véritable fortune, non ? D’où le titre de cette chronique, allusion non voilée au célèbre roman de Joseph Kessel.
La fortune en question désigne une voile destinée à fuir le mauvais temps ou la tempête. Elle tire son nom de la notion de fortune au sens de hasard, heureux ou malheureux, celui qui amène parfois à devoir faire bon cœur devant un funeste enchainement de circonstances. Point de tout ça en l’occurrence, puisque la simple décision de souscrire à cette banque en ligne va faire de vous un homme riche. Et c’est là que commencent les ennuis. Qu’allez-vous faire de tout cet argent, vous demande le généreux donateur ?
C’est vrai, ça. J’hésite. Mon premier réflexe serait bien évidemment de réaliser un de mes rêves les plus fous, je ne sais pas, moi, un tour du monde par exemple. Ou bien d’acheter une résidence de luxe, une voiture de sport, un voilier, tiens ! C’est bien un voilier. Celui de Bernard Tapie est peut-être encore à vendre. Et puis là, je me souviens qu’il y a 30 ans d’attente pour obtenir un mouillage dans certains ports et la futilité de ma démarche m’apparait alors clairement. Je m’en veux de mon égoïsme et je me dis qu’une fondation, comme le font les riches embarrassés de leur argent dont ils sentent confusément qu’ils l’ont acquis aux dépens des pauvres, dont je faisais partie avant d’adhérer à la fameuse banque, est la meilleure, que dis-je, la seule solution.
Après tout, si je peux éradiquer la faim dans le monde avec cette fortune dont je me passais si aisément jusqu’à présent, je serais bien criminel de ne pas le faire. Et puis j’ai eu l’idée de regarder ce que me coûte actuellement ma banque, celle qui m’exploite, pas la philanthrope que je suis invité à rejoindre dans un avenir proche et radieux. Et je m’aperçois que le sémillant jeune homme de la pub se faisait arnaquer dans les grandes largeurs en payant 360 euros quand moi j’en dépense une centaine à tout casser. Alors, mon conseil : fuyez la tempête, hissez la fortune, et bon vent !