La fée électricité
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 23 janvier 2024 11:03
- Écrit par Claude Séné
L’origine de cette expression se perd dans la nuit des temps. Elle a été employée par l’écrivain Paul Morand à propos de l’exposition universelle de Paris en 1900 avant de désigner un tableau monumental de Raoul Dufy. Si nous pouvons constater à chaque panne ou coupure d’électricité à quel point nous sommes devenus dépendants de cette forme d’énergie, démontrant ainsi par l’absurde le caractère féérique et presque magique de cette source que nous utilisons sans y penser, son caractère précieux nous est désormais rappelé par les augmentations de tarif des dernières années. Le prix va encore augmenter au 1er février prochain dans la limite de 10 %, par le rétablissement d’une partie des taxes perçues par l’état.
Car la fiscalité sur les énergies, qu’elles soient d’origine fossile ou non, est devenue la variable d’ajustement de l’état sur les prix pratiqués à l’égard des consommateurs que nous sommes. Les particuliers ont bénéficié du « bouclier fiscal », compensant les hausses du coût de production par l’abandon d’une partie des taxes. Après avoir fait le banquier au nom du « quoi qu’il en coûte », l’état entend bien se rembourser en se payant sur la bête. Certains économistes poussaient au retour de l’intégralité de la fiscalité d’avant le covid, ce qui se serait traduit par une hausse de 20 % immédiatement. Le gouvernement a coupé la poire en deux, 10 % tout de suite, et 10 % supplémentaires en 2025.
Ce qui est paradoxal, c’est que cette hausse survient dans un contexte de baisse du prix de gros, après un mouvement de balancier sur les marchés, dont les consommateurs ne verront pas la couleur. Cette manœuvre aurait pu être justifiée s’il s’était agi de profiter de l’occasion pour développer les énergies renouvelables et encourager la sobriété énergétique, mais il n’en est rien. Les recettes nouvelles ne seront pas affectées à une politique vertueuse, pas « fléchées » selon le terme à la mode, mais noyées dans le budget global. Le choix du nucléaire était supposé permettre à la France de produire une énergie bon marché, qui ne profiterait dans ces conditions qu’à l’état et non aux Français. Le tout au nom d’une décarbonation masquant d’autres problèmes : le traitement des déchets nucléaires et les risques majeurs de sécurité, rappelés ici même il y a peu par mon invitée du dimanche. Si l’on intègre le coût de la maintenance de centrales vieillissantes dont on prolonge artificiellement la durée de vie, et celui du démantèlement de celles qui sont décidément obsolètes, la balance ne penche pas nécessairement en faveur du nucléaire. Sans compter que les matériaux radioactifs ne sont pas illimités et que nous dépendons des pays qui les produisent. Si l’électricité est une fée qui aurait pu enchanter l’Afrique grâce au plan Borloo, ce sont souvent des sorcières qui la parrainent.