Paysans, ça craque !
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 20 janvier 2024 10:50
- Écrit par Claude Séné
Le président Emmanuel Macron n’avait pas vu venir le mouvement des gilets jaunes en 2018. Quand il a voulu faire cesser la crise ouverte par l’occupation des ronds-points et les manifestations hebdomadaires, il s’est retrouvé dans la situation de celui qui voudrait remettre le dentifrice dans le tube après l’avoir laissé se vider progressivement, une mission impossible, donc. Je ne sais pas s’il a juré ce jour-là qu’on ne l’y reprendrait plus, mais je me suis laissé dire qu’il suivait attentivement l’évolution de la situation des agriculteurs, de plus en plus préoccupés par la baisse de leurs revenus.
L’expérience étant ce qui permet de répéter indéfiniment les mêmes erreurs, j’ai bien peur qu’il soit incapable de s’attaquer aux racines du mal, ce qui supposerait l’abandon du modèle productiviste soutenu par la principale organisation paysanne, noyautée par de gros groupes et des lobbys très puissants. Au premier rang desquels on peut trouver le géant de la production de lait, Lactalys, premier producteur mondial du secteur, qui peut se permettre d’imposer unilatéralement une baisse du prix payé aux agriculteurs, sans que l’état joue son rôle d’arbitre dans un bras de fer faussé dès l’origine. La plupart des productions agricoles sont ainsi rémunérées en dessous de leur prix de revient à la suite de « négociations » entre les producteurs et les distributeurs. Le résultat est prévisible. Les agriculteurs, qui se sont lourdement endettés pour se doter d’un outil de production moderne et sophistiqué, ne parviennent plus à se dégager un salaire rémunérateur. Parfois, ils se contentent de 300 euros par mois pour survivre, au prix d’un travail acharné où ils ne comptent pas leurs heures.
Mais quand les paysans se fâchent, le pouvoir les prend généralement très au sérieux, et il a raison. Les tonnes de fumier n’attendent qu’un signal pour se déverser devant les préfectures, et le salon de l’Agriculture se déroulera dès la fin février. Ça ferait désordre que les visites des officiels soient gâchées par quantités de « pauvres cons » venus protester pour obtenir des conditions de vie décentes. Et les Jeux olympiques ne sont pas si éloignés dans le temps qu’on puisse se permettre d’affronter une nouvelle jacquerie. Les agriculteurs français sont préoccupés notamment par la question de l’eau. Tantôt, elle tombe en abondance catastrophique, provoquant des inondations et la perte de cultures, anéantissant ainsi des mois ou des années d’efforts. Tantôt, c’est la sécheresse qui met à mal les espoirs de récolte. Les paysans sont alors en concurrence avec le loisir ou le tourisme, quand il ne s’agit pas d’une nécessité industrielle pour la production d’électricité. On le voit, la question est complexe, et je ne parle même pas de l’aspect écologique de protection de l’environnement, que l’on oppose souvent aux intérêts agricoles. La leçon vaudra bien un « Président », sans doute.