Bébé requin

C’est vrai qu’il est choupinou, le tout nouveau Premier ministre de la France, avec sa tête de premier de la classe, bien propre sur lui, poli et bien élevé, au point que l’on oublierait presque que s’il en est arrivé là, c’est nécessairement, en dehors de ses qualités évidentes de communicant, grâce à un arrivisme forcené qui fait penser à la chanson interprétée par une autre France, France Gall, en 1967. Si l’on en croit le cercle de famille qui applaudit son arrivée à grands cris, son principal mérite, c’est la jeunesse et la précocité. C’est évidemment flatteur, mais que Gabriel Attal ne s’y trompe pas, cela ne dure pas éternellement, même si comme Faust, on est prêt à y sacrifier son âme.

En étant nommé Premier ministre à 34 ans, il bat largement le précédent record détenu jusqu’ici par Laurent Fabius depuis 39 ans à l’âge de 37 ans. Mais le chouchou du président de l’époque, un certain François Mitterrand, qui en avait fait son poulain pour lui succéder, ne confirmera jamais les promesses d’un destin personnel, et finit tranquillement sa longue carrière à une présidence, certes, mais celle du Conseil constitutionnel. De plus, les records étant faits pour être battus, et si l’âge devient le principal critère pour briguer les suffrages des Français, Gabriel Attal a du souci à se faire. Qui sait si, son mentor s’obstinant dans une politique désastreuse, ce ne sera pas le Rassemblement national qui tirera les marrons du feu en 2027, et le premier soin d’une Marine Le Pen triomphante serait de nommer Premier ministre Jordan Bardella, qui n’aura alors que 31 ans ?

Mais revenons au présent pour constater que le président Macron a choisi un exécutant qui lui doit tout, au mépris du texte sacro-saint de la Constitution, selon laquelle c’est le gouvernement qui détermine et conduit la politique de la nation. Vous remplacez « gouvernement » par « bibi », et vous avez l’essentiel de la doctrine d’Emmanuel Macron. Il a d’ailleurs annoncé la nomination de Gabriel Attal pour qu’il mette en œuvre la politique qu’il a exposée personnellement. Pour le Premier ministre, le défi va être de durer plus longtemps que les 5 mois de Bernard Cazeneuve, ce qui va se jouer à très peu probablement. Si le parti présidentiel perd, comme c’est probable, les élections européennes en juin prochain, un nouveau remaniement sera peut-être incontournable et le destin national de Gabriel Attal pourrait être fauché en plein vol. Il a déjà failli battre le record de plus faible durée au ministère de l’Éducation nationale détenu par Benoît Hamon avec 4 mois et 24 jours, en y restant 5 mois et 19 jours seulement, démontrant par l’absurde le manque de vision à long terme du chef de l’état qui navigue à vue selon les vents dominants.