Petits arrangements avec sa conscience
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 9 janvier 2024 10:52
- Écrit par Claude Séné
J’avoue avoir été quelque peu sidéré par l’extrait d’un documentaire réalisé par Gérard Miller, dans lequel le réalisateur Benoît Jacquot revenait sur la relation qu’il a entretenue avec une jeune actrice, Judith Godrèche, âgée de 14 ans quand lui en avait 40 à l’époque. Un épisode que l’actrice a décrit dans une série promise à un bel avenir, sans nommer le metteur en scène dans un premier temps, puis en le désignant explicitement après de nombreuses sollicitations médiatiques. Elle en a le droit, c’est elle la victime, elle peut choisir d’en parler ou non. Elle explique avoir été sous l’emprise affective de cet adulte, auréolé de son statut de réalisateur, alors qu’elle voulait plus que tout devenir comédienne.
Une histoire tragiquement banale, comme celle que Vanessa Springora a décrite dans son livre, le consentement, quand elle était sous l’influence de Gabriel Matzneff, de 37 ans son aîné. Ce qui est proprement stupéfiant, c’est la façon dont Benoît Jacquot, face caméra, feint de s’interroger sur la légalité de cette relation, pour mieux en faire retomber la responsabilité sur la victime. « On n’a pas le droit, en principe, je crois »… « mais, elle, ça l’excitait beaucoup ». Et le tour est joué. Tout est donc de la faute de cette mineure, et lui n’a pas su résister. On apprend à cette occasion qu’il n’a pas davantage refusé de céder à d’autres très jeunes filles mineures, des actrices en général, sur lesquelles il pouvait exercer une emprise du fait de son statut, et dont certaines sont très connues comme Virginie Ledoyen ou Isild Le Besco.
Alors je ne suis pas juriste, et j’ignore si les faits dont il est question sont ou non prescrits. Ce qui est certain c’est que la loi de 2021 a clarifié les choses en instituant un âge de 15 ans au-dessous duquel un enfant mineur est réputé non-consentant, dès lors que la différence d’âge est égale ou supérieure à 5 ans. Cette disposition légale vient entériner une situation de fait qui veut que la société ne considère plus comme « normale » une relation déséquilibrée entre un adulte et un enfant, pour simplifier. On a du mal désormais à croire à la fable qui voudrait que les victimes soient responsables de ce qui leur arrive. Et je ne suis pas sûr que même à l’époque où les faits se sont produits, Benoît Jacquot n’a pas eu conscience de l’aspect profondément amoral de son comportement. J’en veux pour preuve le cynisme du « grand écrivain » qui décrivait par le menu dans ses ouvrages sa passion pour les jeunes filles mineures sans le moindre état d’âme. Des agissements qui lui vaudraient de nos jours jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle.
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