Une valse à trois temps

Jacques Brel avait inventé en 1959 une valse de son cru, une valse à mille temps, entraînant l’auditeur dans un rythme de plus en plus rapide et effréné comme il en avait le secret, dans une sorte de maelstrom culminant à la dernière note, suivi d’un silence, comme celui qui suit Mozart et qui est encore du Mozart. Mais je dois revenir à une réalité beaucoup plus triviale, après les explications laborieuses du porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, qui devait s’acquitter de la lourde tâche de justifier les louvoiements du ministre de l’Intérieur dans le délicat dossier de la loi sur l’immigration.

Il faut être deux pour danser le tango, dit-on. Et beaucoup plus pour faire adopter une loi, jugée trop laxiste par les uns, et trop sévère pour les autres. Sans compter, et ils sont nombreux, ceux qui pensent qu’elle n’est ni faite ni à faire, quand on sait que l’abondance de textes législatifs cache le plus souvent leur inutilité. Olivier Véran s’est donc mis en devoir de détailler les trois temps qui devraient, selon lui, aboutir à l’adoption d’un texte par le Parlement, le lieu où les représentants de la nation sont supposés parlementer. Contrairement à l’usage habituel, le premier temps s’est déjà déroulé au Sénat, et il a permis à sa majorité, les Républicains, de faire adopter des mesures phares, telles que le remplacement de l’Aide médicale d’état par une aide médicale d’urgence, et la suppression de la naturalisation de travailleurs étrangers dans les métiers dits « en tension ». Deux dispositions validées par Gérald Darmanin, sans état d’âme particulier, mais qui restent en travers de la gorge d’un ancien médecin, ex-ministre de la Santé, qui se souvient parfois de son passage au PS dans une autre vie.

Et c’est lui qui rappelle qu’il reste encore deux temps pour achever cette valse. Et c’est au deuxième temps auquel nous allons assister avec l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale. Le gouvernement est prêt à retourner sa veste et à prendre le contrepied de sa position au Sénat, comme l’a affirmé sans vergogne aucune le ministre de l’Intérieur, appliquant à la lettre l’axiome d’Edgar Faure selon lequel c’est le vent qui tourne et non la girouette. Il va lui falloir rassembler une majorité de circonstances en essayant de convaincre sur sa gauche des députés de soutenir son projet. À supposer qu’il y parvienne, il restera un troisième temps, celui de l’accord de parties opposées, et ce ne sera pas le plus facile. À ma connaissance, aucun protocole n’a encore été ébauché, et la commission risque de ressembler à une audience dite de conciliation, alors qu’aucun compromis entre les futurs divorcés n’a été élaboré. Comme souvent, ce gouvernement risque de passer en force, dans une sorte de valse à l’envers.

Commentaires  

#1 jacotte 86 14-11-2023 11:28
quelle genre de valse nous réserve t-on pour la loi sur la fin de vie? décidement c'est un gouvernement qui aime danser...
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