Tous ensemble ouais

Cet air connu revient régulièrement dans les manifestations, quels que soient les autres slogans déclinés selon les circonstances particulières qui président aux rassemblements en question. Car c’est bien dans l’unité que le mouvement ouvrier en particulier a réussi ses conquêtes les plus importantes au fil des décennies passées. Alors l’idée d’un appel aux différentes formations politiques pour protester contre les actes antisémites qui se sont multipliés en France, notamment ces derniers temps, a pu paraître toute naturelle et de simple bon sens. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions, et lorsque le Premier secrétaire du PS a lancé cette idée ce dimanche, il a immédiatement soulevé la question de la participation éventuelle du Rassemblement national à cet évènement.

Bon gré, mal gré, le RN ne peut plus être systématiquement tenu à l’écart de la vie politique et ostracisé sur tous les sujets. De ce point de vue, il faut reconnaître que Marine Le Pen a réussi à modifier l’image de son parti et à le rendre à peu près fréquentable, même si beaucoup de Français, et c’est heureux, ne partagent pas ses idées. Reste que le fonds de commerce de cette petite entreprise, qui a été longtemps la détestation des juifs, rendus responsables de tous les maux de la société, s’est déplacé désormais sur les étrangers en général et les musulmans en particulier. On peut cependant, et c’est le cas notamment de la France Insoumise, être foncièrement hostile à tout rapprochement qui tendrait à légitimer ce parti d’extrême-droite, raciste et xénophobe, sous des apparences plus souriantes que du temps de son créateur, Jean-Marie Le Pen. C’est ce qui a conduit Oliver Faure, à l’initiative de cette proposition, à exclure le RN de son invitation générale, ce qui pose d’autres problèmes.

Sans pour autant créer un « front républicain » efficace, cette exception permet au RN de se victimiser, son attitude favorite, et qui rapporte, à quelques mois des élections européennes, qui lui sont habituellement favorables. Quelque chose me dit que cette manifestation d’unité, à peine proposée, est déjà en mauvaise posture. Elle est en difficulté au sein de la NUPES, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle est en mauvaise posture, voire en sursis après la mise en retrait du PS de l’alliance. On imagine mal comment elle pourrait dans l’immédiat renaître de ses cendres, quand le conflit israélo-palestinien cristallise les divergences entre ses membres, et exclut de fait la création d’un pôle d’attraction qui permettrait de rallier autour d’elle une part importante de l’opinion. De plus, dans le climat conflictuel actuel, la dénonciation de l’antisémitisme risque d’être assimilée à une condamnation de la cause palestinienne, impensable pour une part importante de la gauche. Tous ensemble, mais séparément.