Au suivant !

Le président avait réclamé 100 jours de répit aux Français afin de « tourner la page » de la réforme des retraites, dont il avait bien conscience qu’elle avait fracturé le pays. 100 jours, cela faisait inévitablement référence à l’épopée napoléonienne, quand l’Empereur, exilé à l’ile d’Elbe, avait tenté de reconquérir l’Europe, contre vents et marées. Le symbole était d’ailleurs mal choisi puisque cette tentative s’est soldée par un désastre militaire. Ce qui m’a fait repenser à ce passage de la chanson de Brel où il évoque l’histoire : « ce ne fut pas Waterloo, mais ce ne fut pas Arcole », pour décrire l’ersatz de jouissance des bordels militaires.

Un sondage commandé par le Figaro, permet d’évaluer l’opinion des Français sur la réussite de cet épisode destiné essentiellement à gagner du temps, et force est de constater, qu’à part un noyau de plus en plus restreint de grognards à trois poils, soutiens indéfectibles du Président, une partie énorme des Français interrogés, huit sur dix environ, estiment que le pari est raté, et que l’objectif fixé par Emmanuel Macron lui-même n’a pas été atteint. Sur tous les sujets considérés comme prioritaires, le président n’a pas convaincu au-delà de son socle électoral de départ. De façon presque mécanique, puisque le président lui-même est inamovible, sauf situation particulière, pour encore 4 ans, ils sont 65 % à souhaiter le remplacement de la Première ministre, sans pour autant plébisciter un ministre actuel pour prendre sa place. Celui qui s’en tire le mieux, c’est Bruno Le Maire, et encore les avis sont très partagés, avec autant d’opinions favorables à son départ qu’à son maintien.

Les Français ne semblent guère compter sur un changement de personnel politique pour régler les problèmes du quotidien. Ils aimeraient cependant être fixés sur les intentions du chef de l’état. Ils auraient souhaité qu’Emmanuel Macron s’exprime, comme il s’y était engagé, à l’occasion du 14 Juillet. Mais leurs préoccupations sont assez éloignées de celles du président. Elles concernent davantage le concret, cette hausse des prix qui n’en finit pas, les carburants et les péages pour partir en vacances, pour ceux qui le peuvent, la sécurité des biens et des personnes, les évènements climatiques et leur prise en charge financière, les salaires qui ne suivent pas le coût de la vie, etc. Plus que jamais, ils se soucient de leurs fins de mois et sont sensibilisés aux bouleversements liés au réchauffement de la planète. Alors, sans se faire trop d’illusions, ils attendent de savoir à quelle sauce ils risquent d’être mangés, si l’avenir immédiat, sombre en général, les épargnera, ainsi que leurs maigres économies pour ceux qui en ont. Si on leur pose la question d’un changement de Premier ministre, ils disent « au suivant ! », faute de pouvoir en dire autant à un Président démonétisé.