Des bénéfices catastrophiques

Rien ne va plus dans les grosses entreprises françaises. Après Total-énergies, qui affiche une santé insolente avec un bénéfice de 19 milliards d’euros pour l’année 2022 quand de nombreuses petites entreprises sont condamnées et promises à la faillite, c’est le groupe Vinci, grâce notamment à l’exploitation des autoroutes, qui annonce des profits record de plus de 4 milliards, soit une hausse de 64 %, qui ne l’empêchera pas de relever ses tarifs en 2023. Et ce n’est pas tout. L’ensemble des entreprises françaises cotées au sein du CAC 40 auraient généré 172 milliards d’euros de bénéfices en 2022, contre 128 en 2021, soit une augmentation de 34 %.

Ça finit par devenir gênant. Le PDG de Total, Patrick Pouyanné, ne sait plus quoi en faire de ces superprofits. Même en rémunérant grassement les actionnaires, ou en versant des primes aux ouvriers méritants, il va en rester. Et encore, sans la guerre en Ukraine, et l’abandon forcé de sa filiale en Russie, les bénéfices auraient été encore plus gros. Autant en profiter pour se payer une campagne d’autopromotion, c’est le cas de le dire, en faisant savoir que le groupe pétrolier pourrait faire l’aumône de quelques centimes d’euros sur le prix du carburant, comme l’an dernier, à condition de se servir dans ses stations, évidemment. Moi, vous me connaissez, j’aurais préféré que l’état taxe ces profits exceptionnels, et baisse par exemple la TVA sur le prix de l’essence, ou finance des secteurs qui en ont besoin, au hasard, les retraites, plutôt que d’imposer de lourds sacrifices à tous les Français.

Quant à Vinci, c’est l’exemple type des cadeaux faits par l’état avec nos sous dans un secteur rentable. La puissance publique a cru bon de donner la concession de l’exploitation des autoroutes à des sociétés privées, qui ensuite se sont empressées de presser le citron en taxant les automobilistes avec des tarifs prohibitifs. Le bénéfice public à court terme est très loin de compenser les sommes qui auraient pu être perçues au moyen d’un tarif équitable pour les usagers et suffisant pour entretenir le réseau. J’imagine que les sociétés d’autoroute ont dû faire des promesses de modération tarifaire pour emporter le marché, et l’on en voit les résultats aujourd’hui. Le groupe Vinci ne fait d’ailleurs pas mieux avec les parkings dont il a l’exploitation. Il profite en général d’une situation géographique qui lui assure une rente incontrôlable, un peu comme ces parkings payants au bord des plages en théorie gratuites, à condition d’y arriver à pied. Bref. Tous ces bénéfices insolents n’ont qu’un défaut, mais il est de taille, et c’est celui d’être trop visibles. Allez donc après ça expliquer aux Français qu’ils doivent faire des efforts, que c’est dur pour tout le monde, que l’état fait de son mieux, mais que la vie est difficile !