Une guerre d’usure
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 16 janvier 2023 11:03
- Écrit par Claude Séné
J’ai entendu dans la bouche d’un syndicaliste développer une théorie intéressante, selon laquelle Emmanuel Macron ne tenait pas plus que ça à sa propre intention de réformer le régime des retraites. Ou plutôt que ce qu’il voulait, c’était faire « une » réforme, quel que soit le champ d’action de celle-ci, afin de conforter l’image qu’il souhaite donner de lui-même, où la pire des choses serait de ne rien changer. Avant d’être élu président, il avait publié un petit livre, sobrement intitulé : « Révolution », rien de moins, que vous pouvez encore vous procurer en deuxième main, si vous êtes un tant soit peu masochiste.
Sur le sujet de la retraite, Emmanuel Macron n’a pas de doctrine, puisqu’il a d’abord présenté un projet basé sur un système de points, avant de défendre la mesure de retarder l’âge de départ à 64 ans. Dans un cas comme dans l’autre, hors de sa thèse, point de salut. Pendant un moment, sa réforme devait servir à tout : l’école, la santé, la dépendance, etc. avant de comprendre que personne ne s’y retrouvait, et revenir au sujet. Désormais, le projet est sur la table, et pratiquement personne n’en veut. Mais Macron n’en a cure. Il a besoin d’une réforme, comme Poutine a besoin d’une victoire, même minuscule, pour sauver la face. Sondage après sondage, l’opinion publique rejette massivement un projet injuste qui obligera les Français à travailler deux ans de plus, sans bénéfice pour personne, à part les quelques cas les plus criants, à condition de trouver du travail. Pour beaucoup, cela se traduira par une baisse des pensions, faute d’avoir acquis suffisamment de droits pour bénéficier d’un taux plein.
Comme Poutine, Macron sait qu’il ne pourra pas gagner la guerre de l’opinion. Comme lui, il espère que le découragement finira par gagner les Français, et qu’ils se résigneront à accepter à contrecœur ce qu’ils n’auraient pas réussi à empêcher. C’est peut-être faire fi trop rapidement du mécontentement croissant de la population, qui a subi les années Covid, et qui est désormais victime de la crise financière et de l’inflation, boostée par la flambée des prix de l’énergie. Le feu du conflit social couve toujours. Comme en Gironde, où les feux de l’été n’ont pas totalement disparu, le mépris du pouvoir pour les corps intermédiaires, sa brutalité, entretiennent des braises qui n’attendent que de repartir. Élisabeth Borne répète à qui veut l’entendre qu’elle n’a pas de totem, mais le président, lui, veut se payer le scalp des syndicats. Ça tombe bien, pour une fois ils sont tous d’accord pour s’opposer à son projet scélérat. Avant qu’Emmanuel Macron puisse poser leur tête sur l’étagère à trophées, il coulera pas mal d’eau sous les ponts. La guerre d’usure n’aura peut-être pas lieu, si les Français en décident autrement et forcent le pouvoir à reculer.