Le point Corbyn
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 18 juin 2022 11:45
- Écrit par Claude Séné
On connaissait déjà le point Godwin, ce moment dans une discussion où, à bout d’arguments, un des protagonistes en est réduit à invoquer le nazisme ou Adolf Hitler pour discréditer son adversaire. Cela signe généralement qu’il est temps de mettre fin au débat, qui ne pourra plus avancer, ou, à tout le moins, de le recadrer ou de changer de sujet. Faudra-t-il par analogie, définir un point Corbyn qui consisterait à accuser ses adversaires d’antisémitisme pour les disqualifier à tout jamais d’avoir le moindre avis pertinent sur aucun sujet ?
Sentant leur fin prochaine, des membres de la majorité présidentielle parisienne ont dénoncé l’invitation par les candidates de la NUPES, Danielle Simonnet et Danièle Obono, de l’ancien chef du parti travailliste britannique, Jeremy Corbyn, présenté comme un « symbole de l’antisémitisme ». L’ancien leader travailliste a pu avoir des positions ambigües concernant la fraction d’opposants à Israël dans son conflit avec les Palestiniens. Il lui a été reproché de ne pas s’être opposé plus fermement aux antisémites de son parti, quand il le dirigeait, mais peu de Britanniques le considèrent comme raciste. Néanmoins, l’inviter en cette période sensible d’élections, quand on sait que l’adversaire est prêt à faire flèche de tout bois, était une erreur politique, comme l’a indiqué justement Jérôme Guedj, lui aussi soutenu par la NUPES, mis en cause par la ministre Amélie de Montchalin en difficulté dans cette circonscription.
Depuis l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron, la gauche a été constamment la cible du gouvernement, régulièrement taxée de complaisance avec l’islamisme radical, au nom d’un concept purement imaginaire, « l’islamogauchisme », inventé pour les besoins de la cause. Le nouveau ministre de l’Éducation, qui a dénoncé ces attaques avant d’être nommé à ce poste, va devoir gérer cette contradiction avec ses collègues. On voit bien que ce concept a glissé vers une accusation d’antisémitisme, qui, rappelons-le, n’est pas une opinion, mais un délit. En tant que tel, il faudrait qu’une assertion aussi grave soit suffisamment étayée pour être présentée à la justice. Le simple fait de côtoyer une personnalité suspectée d’antisémitisme ne peut pas constituer à soi seul la preuve d’un délit, qu’il faudrait alors dénoncer franchement au lieu d’insinuer des hypothèses dépourvues de fondement. Le gouvernement, si prompt à demander la présomption d’innocence quand il s’agit de dédouaner deux de ses membres des accusations multiples d’agressions sexuelles, ne peut pas prêter la main par ailleurs à des manœuvres politiciennes de dernière minute en utilisant l’émotion légitime autour du révisionnisme et du négationnisme supposés d’un ancien leader étranger. Il est temps de changer de sujet.