Incontournable
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 4 octobre 2021 10:26
- Écrit par Claude Séné
Il est des personnages que l’on ne peut pas passer sous silence au moment de leur disparition. Bernard Tapie est de ceux-là. Je n’ai pourtant pas envie que cette chronique se transforme en rubrique des avis de convoi, mais comment ne rien dire de la disparition annoncée de l’homme d’affaires qui se bagarrait avec la maladie comme il aimait à le faire avec ses adversaires politiques, en particulier Jean-Marie Le Pen ? Bernard Tapie était né en 1943, comme la plupart de mes copains d’enfance, et j’ai l’impression qu’il a toujours été là, qu’il fait partie du paysage.
Ce n’est pas pour rien que ses amis l’avaient surnommé « le boss », ce qui n’a pas manqué de me rappeler que Johnny Hallyday, né la même année, était lui considéré comme « le taulier » de la scène française. Ne comptez cependant pas sur moi pour exprimer une admiration béate à l’égard d’un homme qui a certes déployé une grande énergie pour faire fortune, a parfois défendu de bonnes causes, mais toujours et surtout la sienne, et a eu recours à tous les moyens, même illégaux, pour faire triompher ses idées et ses intérêts. Quand il rachète l’Olympique de Marseille, il va le porter au sommet de l’Europe du football en remportant la Ligue des Champions, seul club français à ce jour à avoir réalisé cet exploit, mais il sera condamné aussi à de la prison ferme pour avoir acheté un match dans le championnat national, contre Valenciennes. Ses affaires ont été tantôt florissantes, tantôt catastrophiques. Les salariés des entreprises qu’il rachetait pour les renflouer et les revendre avec bénéfice ont souvent fait les frais de ses coups de poker qui ressemblaient beaucoup à la cavalerie qui conduisit plus tard Bernard Madoff en prison.
La plus connue de ces affaires est la revente d’Adidas, où Bernard Tapie aurait été spolié dans un premier temps avant d’être bénéficiaire d’un arrangement avec le pouvoir politique de Nicolas Sarkozy, et « remboursé » de ses supposées pertes aux frais du contribuable. En ce qui le concerne, l’action de la justice est éteinte du fait de son décès, quelques jours avant le jugement en appel. Les autres protagonistes quant à eux attendent le verdict. Sur le plan politique, Bernard Tapie ne laissera pas un grand héritage. Éphémère ministre de la Ville sous le deuxième septennat de François Mitterrand, il sera aussi élu député, député européen et Conseiller général, sous la bannière des Radicaux de gauche, qu’il semblait avoir annexés à la hussarde au moyen d’une OPA publique sans avoir de convictions partisanes bien établies. C’était plutôt ce que l’on appellerait aujourd’hui une « prise de guerre », un membre de la société civile, une célébrité qui renforce l’image de ceux qui le sollicitent. Retiré des affaires, dans tous les sens du terme, il aura mené son dernier combat contre la maladie, redonnant de l’espoir à tous ceux qui admiraient son énergie.
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