Radicalité

La primaire écologiste se sera donc jouée sur le thème de la radicalité revendiquée par plusieurs de ses candidats, ce qui n’aurait pas dû être une surprise. Le principe même des élections primaires, qu’elles soient ouvertes à un large public ou réservées au noyau dur des militants, donne une forme de prime aux positions les plus tranchées, au détriment des plus consensuelles. L’exemple le plus caricatural étant la désignation d’Éva Joly face au très populaire Nicolas Hulot en 2011. Ce sera donc Sandrine Rousseau, arrivée deuxième au premier tour, qui sera opposée à Yannick Jadot pour un deuxième tour dont elle sera, à mon avis, favorite.

L’arithmétique électorale est en sa faveur dans la mesure où les 4 candidats principaux se sont partagé les voix en parts presque égales et que les battus, les éliminés du premier tour, Éric Piolle et Delphine Batho, bien qu’ils ne donnent pas de consignes de vote, ont défendu des orientations assez proches de celles que prône Sandrine Rousseau. Elle se revendique de la radicalité, c’est-à-dire le retour aux racines du mouvement écologiste et propose des mesures fortes loin de la politique des petits pas incarnée par les ministres successifs qui ont cru pouvoir infléchir le pouvoir de l’intérieur, et dont on constate le peu de résultats. Ce sont ces écologistes « constructifs » ou « réalistes », incarnés par Barbara Pompili ou François de Rugy, qui font penser à ce que l’on disait des radicaux à une époque : comme les radis, ils sont rouges à l’extérieur et blancs à l’intérieur.

L’équation est d’autant plus compliquée que tous les indicateurs politiques sont actuellement au vert, sans jeu de mots. Tous les partis font les yeux doux aux électeurs écologistes, dont beaucoup sont fraîchement convertis à la cause environnementale. On en a vu les effets aux élections municipales. Les majorités qui se sont constituées dans les grandes villes avaient généralement une composante verte, et certaines coalitions étaient menées par les écologistes, avec succès, comme à Marseille, dirigée temporairement par Michèle Rubirola avant de céder sa place à un socialiste. La France semble prête à confier les rênes du pouvoir à un candidat écologiste, pour rompre avec le personnel politique des partis traditionnels. Mais elle ne souhaite pas la victoire d’une écologie doctrinaire et punitive. Il faut dénicher l’oiseau rare, le candidat capable de faire opposition au libéralisme triomphant et d’imposer ses convictions, sans effrayer le bon peuple, soucieux de ses libertés individuelles. Il y a de fortes chances pour que ce rendez-vous avec l’Histoire soit à nouveau manqué, et que la France n’entre pas encore dans le cercle très fermé des pays conduits par un écologiste. Il faudra peut-être attendre, comme le disait Coluche, que les arbres aient le droit de vote.