Victimes ou héros ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 27 novembre 2019 10:51
- Écrit par Claude Séné
En ma qualité de réformé définitif numéro deux et antimilitariste patenté, je ne suis probablement pas le mieux placé pour commenter la qualification de héros décernée par le président Macron en hommage aux treize militaires morts dans un accident d’hélicoptère au Mali au cours d’une intervention contre des forces djihadistes. Je m’appuierai donc sur la caution morale d’un journaliste spécialisé dans les questions de défense, Jean-Dominique Merchet, que j’ai entendu à maintes reprises défendre l’armée, laquelle le lui rend bien en le surnommant « le Pacha ». Et donc, « jean-do » s’interroge sur le caractère héroïque d’un tel accident et s’inquiète « d’une surenchère verbale ».
Il est possible que ces militaires soient, par ailleurs, d’authentiques héros, et l’on ne peut que souligner le courage nécessaire à l’exercice d’une profession dans laquelle ils savent risquer leur vie quotidiennement. Il s’agit toutefois d’un choix personnel. Il en allait tout autrement lorsque les soldats du contingent allaient mourir à 20 ans dans les Aurès ou ailleurs. Cela n’empêche pas de rendre un hommage aux disparus, mais peut-être de façon un peu différente. D’une manière générale, il existe une tendance à faire des héros des victimes, quelles que soient les circonstances. Ainsi les quatre victimes de l’attaque au couteau de la préfecture de police de Paris en octobre dernier ont été décorées à titre posthume de la Légion d’honneur. En guise de comportement héroïque, ces malheureux ont simplement eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Le contre-exemple, c’est celui du colonel Arnaud Beltrame, qui s’est porté volontaire pour être échangé contre une caissière du supermarché de Trèbes retenue en otage par un terroriste islamiste, et qui y laissera la vie au cours de l’assaut du GIGN.
Le point commun, c’est la mort, avec son caractère irréversible. Qu’une victime ne soit que blessée, et elle perd instantanément son caractère héroïque. Pire, ou mieux encore, un véritable acte de bravoure, comme celui de Mamoudou Gassama, un sans-papier malien qui a escaladé la façade d’un immeuble jusqu’au 4e étage pour sauver un enfant de 4 ans suspendu dans le vide, est très rapidement tombé dans l’oubli. Il y aura quand même gagné sa régularisation et un poste aux sapeurs-pompiers de Paris, ce qui vaut sans doute pour lui toutes les Légions d’honneur du monde. L’autre question que l’on doit se poser, c’est la pertinence de notre présence militaire dans cette région du globe. Nous avons hérité de notre passé colonial le privilège douteux de jouer les gendarmes du monde dans cette partie de l’Afrique. Nous avons peu à y gagner et beaucoup à y perdre. Ces militaires tués s’ajoutent la liste des pertes militaires au Mali et au Sahel dans un conflit qui risque de devenir interminable au sens littéral.
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