La déchéance

Il y a dans beaucoup de familles un vieil oncle insortable, qui fait honte à tout le monde par des propos dont on ne sait s’il faut les attribuer à la sénilité, ou s’ils expriment la personnalité profonde de celui qui les profère. C’est le cas de Roland Dumas, qui vient une nouvelle fois de s’illustrer de la pire des manières en s’en prenant à Manuel Valls, sous prétexte qu’il serait sous l’influence de sa femme, Anne Gravoin, musicienne reconnue, mais qui aurait le tort, aux yeux du vieillard, d’être juive.

 

Roland Dumas se défend de tout antisémitisme au nom de son père, effectivement grand résistant et fusillé par les Allemands en 1944. À cette époque, le jeune Roland Dumas est lui aussi du bon côté et sa carrière politique va se dérouler à l’ombre de la résistance et de la famille socialiste. Proche de Mitterrand, il le défendra dans l’affaire de l’Observatoire, une première ombre au tableau. Il défendra aussi le Canard enchainé et prendra position pour la décolonisation.

Bref, s’il avait eu le destin d’un James Dean, prématurément arraché à l’affection de ses proches, l’histoire aurait peut-être salué sa mémoire et nous n’aurions pas eu à déplorer son comportement ultérieur. Car le pouvoir corrompt, c’est bien connu, et le ministre Dumas sera impliqué dans le scandale des commissions pour la vente de frégates à Taïwan. On se souvient de ses largesses à l’égard de sa maitresse, Christine Deviers-Joncour, dont elle utilisait une partie pour lui offrir des chaussures de luxe, qui lui ont valu le surnom de Monsieur un smic à chaque pied. La légende veut que Mitterrand dise qu’il avait deux avocats : Badinter pour le droit et Dumas pour le tordu. Après ses exploits dans le cadre de la Françafrique, son protecteur lui accordera une retraite dorée en le désignant président du Conseil constitutionnel. Il aura ainsi le temps de valider les comptes de campagne de Chirac et de Balladur, aussi manifestement irréguliers les uns que les autres, avant de devoir démissionner, rattrapé par les affaires. La suite n’est qu’une longue descente aux enfers, pendant laquelle il s’acoquine avec Jacques Vergès qu’il rejoint dans la sénilité, jusqu’à ce triste épisode sur BFMTV où il dérape en direct en répondant à Jean-Jacques Bourdin. Malgré ses 93 ans, il a manifestement toute sa tête. Ces propos n’en sont que plus graves, surtout dans le contexte actuel.