Agnès, une ingénue à l’école des femmes
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 15 juillet 2018 10:09
- Écrit par L'invitée du dimanche
Trois ans après « les précieuses ridicules » Molière nous offre un personnage de femme pas aussi simple qu’il en a l’air !
Rappel : Agnès a été confiée dès son plus jeune âge à Arnolphe qui l’a fait élever au couvent avec pour objectif « de la rendre idiote autant qu’il se pourrait » se la réservant pour épouse, soumise, docile et dépendante.
S’il est vrai qu’au début de la comédie Agnès semble ignorante, naïve, elle n’en est pas pour autant idiote, et Molière grâce à l’école de l’amour, va la prendre par la main pour l’amener à être femme.
Séduite par Horace, on va la découvrir capable d’audace. Elle le reçoit dans sa chambre, prenant des risques par rapport à sa position et sa condition. Elle va aussi apprendre la duplicité voire la trahison, en faisant semblant d’obéir à Arnolphe qui apprendra à ses dépens qu’il n’aurait pas fallu la sous-estimer.
Prenant conscience des sentiments qui l’animent et qu’elle peut nommer, « oui je l’aime » dit-elle en affrontant son tuteur, elle est devenue femme capable de lutter pour son amour et consciente de sa capacité à faire souffrir les hommes. Elle apprend aussi à conduire un raisonnement, retournant contre Arnolphe ses propres arguments.
À travers elle, Molière prend le contre-pied du machisme d’Arnolphe et de ses contemporains, qui n’attendaient de leur femme qu’obéissance, humilité, docilité, respect, soumission, mais c’est sans compter sur l’instinct, l’intuition, l’intelligence d’une pseudo ingénue comme Agnès. Elle feint de penser que ses rencontres avec son amoureux ne sont que jeux innocents d’enfants, elle n’en est pas moins capable d’analyser les émotions déclenchées par la douceur des mots d’Horace qui « la chatouillent en dedans ».
On peut voir dans cet aveu, la fausse innocence de l’héroïne, dont beaucoup de propos peuvent être entendus à double sens, « le petit chat est mort » par exemple pourrait faire allusion à un pucelage perdu et il en est ainsi de beaucoup des répliques de l’héroïne.
À partir de l’éveil de ses sens et de ses sentiments, Agnès gagne son statut de sujet à part entière, capable de prendre son destin en main. Elle n’est plus une convention théâtrale mais à une personne soumise au bouleversement des passions. La sotte, la niaise devient une femme habile.
Mais le combat ne fait que commencer, après tout elle n’a peut-être fait que changer de propriétaire, même si c’est son choix, mais faisons-lui confiance pour évoluer encore puisqu’elle décide « je ne veux plus passer pour sotte si je puis ».
Trois siècles plus tard, certaines cultures continuent à faire pratiquer les mariages arrangés, et à maintenir les femmes dans la dépendance des hommes, et à leur refuser l’accès à la connaissance, j’espère qu’il ne faudra pas encore trois siècles pour toutes les libérer de ces asservissements !
L’invitée du dimanche