Pourquoi ?

Des attentats aveugles ou à la cible très large, la France et le monde en ont déjà connu, chacun d’eux soulève des protestations, génère des manifestations de soutien aux victimes et aux pays concernés, alors pourquoi un acte de barbarie comme celui de mercredi à l’encontre de Charlie hebdo a-t-il soulevé autant d’émotions non seulement nationales, mais aussi internationales ? Si beaucoup de journalistes, de reporters, ont payé de leur vie ce qu’ils pensaient être leur devoir d’information, leur disparition, ou leur enfermement suscite bien sûr protestations, colère et mouvements de solidarité, mais rien n’atteint ce déferlement d’émotion semblable à la mienne.

La réponse, que le monde entier a retenue, c’est qu’à travers l’exécution de ces journalistes bourrés de talent, impertinents, insolents, toujours féroces, jamais méchants, comme disait le regretté Wolinski, on a délibérément visé le symbole de la liberté de penser et d’expression ! Cette même liberté, essentielle pour traduire le propre de notre humanité. Les animaux n’ont pas d’humour, ne savent pas dessiner, ne savent pas rire, ne savent pas parler, nous si !

Ce mouvement solidaire planétaire, qui réunit cet après-midi derrière les familles endeuillées toutes religions et classes politiques confondues, plus de 30 chefs d’État solidaires et une population civile pour clamer le droit à la liberté, et celui de vivre ensemble, durera, j’espère, encore longtemps. Pour cela, il faudra faire encore beaucoup de pédagogie pour faire comprendre que nul n’a le droit de censurer la parole. Ma petite fille de huit ans, par exemple, ne comprenait pas que je me joigne aux 75 000 marcheurs sous le crachin nantais en signe de soutien à ceux qui restent, à Charlie, ainsi qu’à tous ceux qui continueront à braver pour nous l’obscurantisme, l’extrémisme, la barbarie, car il faut, ils doivent continuer ! Pour elle les caricaturistes n’ayant pas respecté la religion musulmane, il était normal qu’ils s’attendent à une vengeance. Il était urgent de lui expliquer, que les caricatures ne se moquaient pas de la religion, mais de ceux qui la comprenaient mal, et qu’il est « inhumain » de supprimer ceux qui ne partagent pas vos idées !

Pourquoi, quand il en était encore temps, la communauté internationale n’a rien fait pour éliminer de la scène politique Bachar el-Assad ? En ne soutenant pas l’armée libre syrienne, on a laissé se développer un islamisme fanatique, déjà bien assez puissant après la guerre d’Irak et d’Afghanistan, mais qui a fleuri sur les ruines, laissant le choix aux civils pris entre deux étaux, dictateur ou extrémistes, de l’exil ou de la mort ! Quels intérêts supérieurs politiques et économiques ont guidé cette attitude ?

 Pourquoi ce même monde qui pleure aujourd’hui et qui cherche des défenses désespérées contre la menace redoutable souterraine d’une poignée d’hommes, au regard du nombre de milliards d’habitants de la planète, n’a-t-il pas évité l’émergence de ces fanatismes ?

Donnez-moi des réponses s’il vous plaît, car en plus d’être en deuil de mes frères de pensée, je trouve intolérable que l’on ait laissé la place à la terreur et la haine pour bien des années à venir !

L’invitée du dimanche