Le mari de la joggeuse

Nous serons tous d’accord pour dire qu’il est plus facile de prédire le passé plutôt que l’avenir. Je vous demande de me croire sur parole si je vous dis que j’ai été très mal à l’aise au moment où les premières interviews de la famille et des proches d’Alexia Daval, d’abord disparue, puis retrouvée morte, ont été diffusées. On aurait dit que cette jeune femme était uniquement la fille de ses parents, omniprésents, et que son mari ne comptait pour rien, malgré ses larmes et une affliction qui paraissait sincère.

Dans l’après-coup, maintenant que Jonathann Daval a avoué avoir tué sa femme, j’aurais tendance à expliquer mes réticences par une forme de gêne émanant du mari. Peut-être une posture, trahissant son embarras de devoir dissimuler la vérité, enfermé dans un mensonge pour cacher sa responsabilité. L’opinion, et les jurés qui la représenteront pendant le procès, lui reprochera certainement cette duplicité, qui ajoute une forme de tromperie à un acte déjà difficile à accepter. Il faudra aussi justifier la mise en scène macabre pour faire croire à une agression sur une joggeuse, et expliquer la tentative de faire disparaitre le corps. Les avocats de Mr Daval, conscients de cette difficulté, ont très maladroitement présenté l’affaire de leur client comme un « accident », anticipant très largement sur leur plaidoirie qui n’aura lieu que dans plusieurs années, probablement. Ils n’ont réussi qu’à choquer, provoquant au passage une réaction disproportionnée de la ministre chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes, qui aurait cependant mieux fait de se taire, selon le porte-parole du gouvernement.

Marlène Schiappa y a vu une forme de justification de la violence faite aux femmes, ce que personne ne défend. Je veux bien que le sujet la touche profondément, mais ses indignations sont sélectives. Je l’ai entendue plus mesurée concernant son collègue Gérald Darmanin accusé de viol et dont elle n’exige pas la démission. Ce n’est certes pas du même degré de gravité, mais ce n’est pas de nature si différente.

On a beaucoup loué l’enquête de la gendarmerie qui a permis de confondre Jonathann Daval, mais il faut dire que l’improvisation du meurtrier démontre à l’évidence l’absence de préméditation de son acte. Les indices matériels étaient si accablants qu’ils ne laissaient guère de doute sur sa culpabilité. L’enjeu du procès sera probablement de déterminer la part d’impulsivité et d’émotion dans le geste fatal de l’accusé, qui permettrait d’atténuer en partie sa responsabilité. Ses aveux tardifs et non spontanés, ainsi que son attitude depuis le drame ne plaideront pas en sa faveur.