Du coup en fait c’est trop
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 9 janvier 2018 10:49
- Écrit par Claude Séné
Au risque de passer pour un rétrograde passéiste, ce que je suis peut-être, je voudrais exprimer mon agacement à l’égard du relâchement dans le vocabulaire utilisé de nos jours, que ce soit dans la vie courante ou dans les médias. Le sens des mots se perd bien souvent, on en oublie l’origine, jusqu’à les employer parfois à contresens. Vous vous doutez bien que si l’on a l’oreille sensible, elle est bien souvent heurtée, et que ce n’est pas d’aujourd’hui que je me suis senti agressé par des abus de langage.
Les trois expressions servant de titre à cette petite chronique sont parmi celles qui sont les plus employées, non seulement par la jeunesse, à qui j’accorde volontiers l’excuse de minorité, mais aussi par la population adulte, supposée plus ou moins éduquée, ayant fréquenté l’école avec une assiduité forcée ou voulue jusqu’à l’âge de 16 ans au minimum. Là encore, une certaine indulgence me parait normale, et, après tout, que celui ou celle dont la langue n’a jamais fourché leur jette la première pierre. Je suis moins tolérant avec les professionnels de l’expression écrite et orale, en particulier les journalistes, qui sont supposés disposer d’une formation approfondie dans ce domaine, et qui relaient l’évolution de la langue française, autant, voire plus, que les enseignants chargés de la faire apprendre.
Voilà déjà longtemps que j’entends utiliser fautivement le verbe pallier, dans son sens de pis-aller remplacé par celui de remède et dans sa syntaxe avec l’ajout d’un « à » disgracieux et inutile, mais les exemples de ce type sont nombreux. À chaque fois, je m’en veux de ne pas avoir noté les phrases litigieuses afin de prouver le bien-fondé de mon argumentation. Ainsi je ne sais plus quand, ni par qui, j’ai entendu déclarer il y a peu que la moitié de la population avait été « décimée ». Le locuteur n’a visiblement plus la moindre idée de l’origine du verbe qui signifie tuer une personne sur 10. J’ai donc relevé en l’espace d’un quart d’heure sur l’antenne de FR3 national hier, deux erreurs grossières, emblématiques d’une méconnaissance de la langue française par deux journalistes distincts, détenteurs d’une carte de presse. La première concerne l’anniversaire de l’attentat contre l’hyper casher, « perpétué » par Amedy Coulibaly. Je suppose qu’il a voulu dire « perpétré ». La seconde, à propos de la cérémonie des Golden Globe, où la journaliste déplore la quasi-absence de la « gente » masculine, ignorant superbement la distinction entre le nom féminin « gent », et l’adjectif gent ou gente qui s’accorde et ne s’emploie plus guère que dans l’expression gente dame. Comme quoi, rester simple serait sûrement préférable.