L’invitée du dimanche…

Aujourd’hui je laisse la place à une invitée plus prestigieuse dont il aura fallu la disparition pour qu’on vulgarise l’importance de son travail : Françoise Héritier.

Grande anthropologue et ethnologue, elle fut choisie par Lévi-Strauss pour la direction du collège de France, seule femme avec 51 collègues masculins, et fut enseignante à l’école des hautes études de sciences sociales. Sa particularité, c’était de vouloir mettre la place de l’ethnographie et de l’anthropologie sociale au cœur de la cité, de façon à servir au mieux ses contemporains en faisant passer les messages du résultat de ses recherches à ceux qui détiennent le pouvoir.

Merci aux médias de lui avoir rendu hommage, en diffusant une interview riche et bouleversante qui a permis de rendre intelligible le travail de cette chercheuse extraordinaire. Pour résumer (trop) simplement, ses recherches d’anthropologue dans le pays Samo avaient pour objectif de réfléchir sur le fondement de la domination masculine sur le féminin. Pour elle, cette situation n’a rien d’inscrit dans le réel, c’est le résultat d’une idée, et ce que l’idée construit elle peut le déconstruire ! Son fondement, c’est que les hommes ne pouvant se reproduire à l’identique au contraire des femmes qui peuvent faire leur semblable aussi bien que des garçons, les hommes se sont mis à se protéger des femmes, les vouant à la reproduction, leur refusant le droit d’apprendre qui leur aurait permis un accès au pouvoir.

Nommée par François Mitterrand présidente du Conseil national du sida, son engagement a réussi à améliorer le sort des prisonniers atteints, en faisant passer la prise en charge de la santé dans les prisons, du ministère de la Justice, qui ne respectant pas le secret médical désignait les malades aux yeux de tous, au ministère de la Santé qui le préservait.

Elle a soutenu et défendu le droit à la contraception qui levait enfin la plus forte privation qui était faite aux femmes, celle du droit à disposer de leur corps. Quelque temps avant sa disparition, elle affirmait que ce droit essentiel était fragile, qu’il fallait rester vigilant, un acquis peut ne pas le demeurer toujours, qu’il fallait craindre le retour du bâton !

 Dans l’ambiance actuelle de libération de la parole des femmes revendiquant leur droit au respect, cette référence à Françoise Héritier devient incontournable. Il est temps cependant qu’après les mots viennent les actes, pour garder l’espoir de la capacité d’abolir la hiérarchie des sexes. Alors on pourra espérer un monde meilleur, car l’abolition de cette hiérarchie entraînera la chute d’autres hiérarchies liberticides.

Coïncidence ? le soir même de la diffusion de son interview, on pouvait revoir à la télévision un film retraçant la lutte des ouvrières de Ford pour obtenir l’égalité des salaires en mai 68 « we want sex equality »… je veux bien partager son idée qu’on est dans une époque formidable, mais il va falloir qu’hommes et femmes se mettent ensemble à la tâche pour échapper au modèle archaïque de leur rapport.

Parmi ses nombreux ouvrages, qui lui ont valu dernièrement un prix spécial Femina, ceux relatifs au concept d’inceste du « deuxième type » éclairent d’un jour nouveau les rapports humains.

L’invitée du dimanche

Commentaires  

#1 Claude 19-11-2017 09:56
Mi casa es su casa, les invités de mon invitée sont mes invités. Surtout quand ils sont de cette veine-là!
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