Automédication
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 17 novembre 2017 10:30
- Écrit par Claude Séné
Souvenons-nous. Il y a une dizaine d’années, la ministre de la Santé de l’époque, Roselyne Bachelot, à qui les laboratoires pharmaceutiques devraient ériger une statue, décidait de permettre la vente en libre-service dans les officines d’un certain nombre de médicaments délivrés sans ordonnance. Le résultat attendu n’a pas manqué de se produire avec un développement exponentiel de la diffusion de ces médicaments considérés comme « de confort ». Le magazine 60 millions de consommateurs mène régulièrement des enquêtes sur ces produits de santé pour en mesurer les bénéfices et en évaluer les risques.
La dernière mouture de cette étude vient d’être publiée, et les résultats sont alarmants, ou instructifs, au choix. Près de la moitié des médicaments recensés par l’association de consommateurs serait à éviter, tandis qu’un tiers serait peu efficace. Au bout du compte, moins d’un médicament sur quatre serait à privilégier avec une balance-bénéfice-risque favorable. L’enquête révèle également que les produits proposés à la vente sont souvent des composés dont certains principes actifs ne sont pas nécessaires. Si je prends mon cas personnel, je suis sujet aux rhumes, et le seul produit qui me soulage contient également du paracétamol dont je n’ai aucun besoin. Le pharmacologue qui a dirigé l’enquête fait également observer que l’efficacité des traitements contre le rhume est toute relative, puisqu’elle s’apparente au fameux dicton qui veut que si l’on ne fait rien, il dure une semaine, tandis que si on le soigne, il dure sept jours. Les usagers de ces médicaments en vente libre se fient généralement à la seule information dont ils disposent : la publicité, notamment à la télévision. Or, les spots financés par les laboratoires se gardent bien de mentionner les effets indésirables éventuels, et la lecture des notices est trop souvent négligée pour son côté rébarbatif.
Il ne reste plus qu’à espérer que les clients resteront fidèles à leur officine, où les pharmaciens font généralement assez bien leur travail de conseil et de mise en garde au moment de l’achat. Il reste que le grand bénéficiaire de cette politique de l’automédication est l’industrie pharmaceutique. Les médicaments soumis à prescription voient leurs tarifs encadrés par la sécurité sociale, ce qui permet une certaine modération, tandis que les prix s’envolent pour les spécialités vendues sans ordonnance. Dans ce domaine comme dans d’autres, la libéralisation à outrance fait des ravages dans le pouvoir d’achat des victimes consentantes que nous sommes devenues, conditionnées par la réclame et la propagande gouvernementale largement influencée par les lobbies. Il est loin le temps où Michel Maurice-Bokanowski pouvait déclarer : « quand Billancourt éternue, la France s’enrhume ». Maintenant, elle se précipite à la pharmacie.