Juppé, combien de divisions ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 13 novembre 2017 10:41
- Écrit par Claude Séné
La petite planète médiatique, que Raymond Barre aimait à qualifier de microcosme, a frémi ce week-end de rumeurs évoquant le rapprochement possible d’Alain Juppé et d’Emmanuel Macron à l’occasion des élections européennes de 2019. Après avoir décerné des satisfécits au président qu’il n’avait cessé de vilipender quand ils étaient tous deux candidats, Alain Juppé s’est hâté de démentir l’éventualité de listes communes, ce qui vaut confirmation, comme chacun sait. Une hypothèse accueillie avec enthousiasme par François Bayrou, qui y voit la concrétisation du rêve centriste qu’il n’a jamais réussi à vendre aux Français.
En dehors du maire de Pau, disparu des écrans radars depuis sa démission forcée du gouvernement, la nouvelle ne réjouira que la fraction des LR déjà ralliée au président de la République, les « constructifs » emmenés par Thierry Solère, et les ministres déjà exclus du parti ou qui l’ont quitté de leur plein gré comme Bruno Le Maire. En revanche, elle devrait agacer le sympathique Laurent Wauquiez, obligé de feindre n’y attacher aucune importance à cause de sa campagne en cours pour prendre la tête du parti. Il n’est pas question pour lui de s’aliéner le moindre vote, quoi qu’il lui en coûte, jusqu’au scrutin de décembre prochain. Un congrès réduit à la portion congrue, aucun débat public ne risquera de ternir l’image d’une belle harmonie retrouvée autour du futur chef désigné par défaut en l’absence des principaux « poids lourds » du parti. Laurent Wauquiez s’est bien gardé de tout commentaire désobligeant sur « le meilleur d’entre nous », préférant faire semblant de croire à la loyauté inaltérable de l’ancien premier ministre. Il a retenu la leçon des primaires de la droite et du centre qui ont vu la victoire de François Fillon, et il se présente sur une ligne résolument à droite toute, où une alliance avec le Front National n’est plus totalement exclue.
C’est sans doute ce qui a amené Alain Juppé à sortir du bois et de la paisible retraite bordelaise où il semblait se complaire jusqu’ici. Il a pris acte des convergences objectives des idées qu’il défendait avec la politique menée par le Premier ministre, qui fut en son temps également son porte-parole. Si d’un côté on peut y voir la raison d’un ralliement envisagé, de l’autre cela signe également la tendance droitière d’un président qui se veut au-dessus des partis. La question qui reste posée, c’est la même que Joseph Staline évoquait devant Pierre Laval venu lui demander d’autoriser le rite catholique en URSS pour se concilier les bonnes grâces de Pie XI : « le pape, combien de divisions ? » Alain Juppé représente-t-il aujourd’hui plus que sa propre personne, sachant que ses soutiens sont déjà passés avec armes et bagages à la concurrence ?