Chassez le naturel

François Fillon est déjà empêtré dans l’affaire du « Penelopegate », l’emploi présumé fictif de sa femme et de ses enfants pour lequel il doit se rendre à une convocation cette semaine en vue d’une mise en examen. On se souvient de sa première réaction quand l’affaire a été dévoilée par le Canard enchainé, qui était de traiter cette information par le mépris en prétendant que cela ne méritait aucune réponse de sa part. Voilà qu’il récidive après les révélations du Journal du Dimanche sur ses coûteux costumes payés par « un ami ».

Selon le candidat de la droite, cela fait partie de « sa vie privée », il affirme « avoir parfaitement le droit de se faire offrir un costume par un ami » avant de prétendre être la « victime d’une chasse à l’homme ». La question n’est évidemment pas là. Si François Fillon accepte des cadeaux de généreux donateurs qui tiennent à conserver l’anonymat, dans quelle mesure pourra-t-il leur refuser des contreparties, des échanges de bons procédés, comme cette élévation de Marc Ladreit de Lacharrière au grade de Grand-croix de la légion d’honneur sur sa recommandation en 2009 alors qu’il était Premier ministre ? Il ne semble d’ailleurs pas avoir eu affaire à un ingrat, puisque le directeur de la revue des deux mondes a versé une confortable rémunération à sa femme pour un travail restant à démontrer et lui a accordé en 2013 un prêt sans intérêt de 50 000 euros, remboursé depuis. Tous ces petits arrangements entre amis ne sont pas forcément illégaux, même si Fillon a omis de les déclarer, comme le règlement de l’Assemblée et le sens moral dont il se réclame l’y auraient obligé. Ils témoignent d’une proximité et d’une désinvolture vis-à-vis de l’argent à l’exact opposé de l’image qu’il voulait donner de lui-même.

En cela, il ne se démarque guère de son principal concurrent, Emmanuel Macron, dont il aimerait pourtant souligner l’origine, celle de la banque et de la finance, même s’il a été contraint de désavouer son directeur de communication pour sa maladresse récente. L’équation Macron= Rothschild= lobby juif était parfaitement déplacée et relève plus des tribunaux que de la sanction politique. Leur point commun, c’est peut-être justement les costards. On se souvient comment Macron avait perdu ses nerfs en assénant à un jeune syndicaliste la phrase définitive : « le meilleur moyen pour se payer un costard, c’est de travailler ». Ceux qui cherchent désespérément un emploi apprécieront. Et pendant ce temps, d’autres reçoivent des petits cadeaux sur la table de nuit, des costards à 6 500 euros pièce, sans voir où serait le problème.