Quelques mots d’humour

Changement de style à Matignon. Le nouveau premier ministre, Bernard Cazeneuve, n’est peut-être pas très glamour. Il ne donne pas de coup de menton pour afficher une autorité dont il douterait intérieurement. Ses dents ne rayent pas le parquet des palais ministériels dont il est pourtant familier. Sa conception de l’élégance date probablement d’un autre siècle, comme n’ont pas manqué de le faire remarquer les égéries mondaines du couturier Karl Lagerfeld. Mais il possède une qualité qui se fait rare dans les cercles politiques : le sens de l’humour.

Ses proches affirment qu’il en use volontiers en privé, mais nous en avons eu une illustration publique à l’occasion de la première séance des questions au nouveau gouvernement qui se tenait hier à l’Assemblée nationale. Comme il fallait s’y attendre, le président du groupe d’opposition LR a prophétisé l’échec de Bernard Cazeneuve, remettant même en cause sa « légitimité ». Là où Manuel Valls se serait drapé dans sa dignité, aurait élevé la voix pour fustiger une attitude offensante et le manque de respect de sa fonction, Bernard Cazeneuve a remercié Christian Jacob pour « la manière très bienveillante, absolument aimable, avec laquelle il a eu la gentillesse de lui souhaiter la bienvenue » et il a poursuivi : « ça fait vraiment chaud au cœur ». Pas mieux ! L’ironie est une arme extrêmement difficile à contrer, surtout si elle est utilisée de façon minimaliste, avec cette économie de moyens. Ce qui rend le discours de Bernard Cazeneuve si efficace, c’est qu’il parait sincère et surtout désintéressé.

En effet, le nouveau premier ministre a fait savoir qu’après ce dernier mandat il avait l’intention de revenir à son métier d’avocat, et figurez-vous qu’on le croit, au contraire de certains de ses prédécesseurs dont le faux départ cache difficilement le souhait de l’éternel retour. Suivez son regard quand il précise qu’il peut fixer Sarkozy dans les yeux grâce à sa petite taille. N’ayant aucune ambition personnelle à préserver, on peut penser qu’il fera le métier, comme il l’a exercé dans les différents ministères où il est passé, compensant parfois une méconnaissance des dossiers par un travail acharné. Il n’aura pas le temps de lancer de grandes réformes pendant les 5 mois qui restent avant les élections générales. Je serai tenté de dire tant mieux, tant les projets qui patientent dans les cartons de la droite sont de nature à aggraver la situation des Français et à provoquer la casse sociale. Comme si réformer ne pouvait signifier qu’appauvrir les pauvres et enrichir encore les riches. À ce compte-là, je préfère un gestionnaire des affaires courantes pour un mandat sans lendemain où l’essentiel serait préservé.