Stratégies

Si vous avez eu l’occasion de lire ma réaction à l’annonce de la reconnaissance d’un état palestinien par la France pour septembre prochain, vous ne serez pas étonné de mon intérêt pour la démarche du Premier ministre anglais, Keir Starmer, qui a choisi un chemin parallèle. Lui aussi a exprimé l’intention du Royaume-Uni de reconnaitre officiellement l’état palestinien au cours de la session solennelle de l’ONU, comme Emmanuel Macron, mais il a assorti cet engagement de conditions préalables, tant du côté israélien que du côté palestinien. Il a demandé notamment un cessez-le-feu et l’arrêt de « la situation épouvantable à Gaza ».

Israël devrait aussi s’engager à ne pas annexer la Cisjordanie et à rechercher les conditions d’une paix durable passant par une solution à deux états. Sans surprise, Benyamin Netanyahou a rejeté en bloc la proposition de Keir Starmer, montrant ainsi qu’il est fermé, ainsi que son gouvernement, à toute autre stratégie que l’élimination physique du Hamas, par tous les moyens, y compris les bombardements massifs et l’organisation d’une extermination de fait des populations prises en étau dans une guerre sauvage. L’initiative du Premier ministre anglais aura permis la clarification de la stratégie israélienne. Si la pression internationale a forcé le gouvernement israélien à laisser passer au compte-goutte quelques secours à destination des populations affamées, les quantités débloquées sont notoirement insuffisantes, et l’acheminement par voie terrestre arrivera trop tard sans un changement d’attitude du gouvernement. Faute de mieux, les humanitaires, dont la France, en sont réduits à utiliser le système le moins efficace, bien que très coûteux, de largages aériens, à l’aveugle, sans la moindre garantie que l’aide sera distribuée à ceux qui en ont le plus besoin. C’est un gâchis et un gaspillage innommables alors que des opérateurs professionnels et aguerris attendent les convois bloqués pour parer au plus pressé, et sauver ceux qui peuvent l’être.

Malgré la propagande d’état, qui prétend que la situation de famine à Gaza est une pure invention, un mensonge propagé par le Hamas, des images insoutenables d’enfants ou d’adultes victimes de malnutrition ou littéralement morts de faim ont été diffusées à l’échelle mondiale, entraînant des réactions internationales. La France et 14 pays, dont le Canada et l’Australie, ont lancé un appel à reconnaitre l’état de Palestine. L’hypothèse d’un mouvement faisant boule de neige, qui paraissait peu réaliste à l’origine, est peut-être en train de faire son chemin. Surtout si à la Maison-Blanche le président des États-Unis, comme cela semble être le cas, a été touché par l’impact médiatique des enfants gazaouis en totale détresse. Israël peine à gagner la bataille militaire. Sa politique de terre brûlée recrée autant de martyrs qu’elle élimine d’adversaires sur le terrain, et il est en train de perdre la bataille de l’opinion, alors qu’il dépend de Donald Trump pour se procurer les armes et les munitions dont il a besoin.