
Le bébé et l’eau du bain
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 30 juin 2025 11:10
- Écrit par Claude Séné

C’est aujourd’hui que commence à l’Assemblée nationale l’examen du projet de loi sur la création d’une holding regroupant France Télévisions, Radio France, et l’INA. Le bébé est présenté par la ministre de tutelle de l’audiovisuel, Rachida Dati, qui en a fait visiblement une affaire très personnelle, bien que le texte remonte bien avant sa nomination au ministère de la Culture. Pour cause de COVID, puis de dissolution, puis d’embouteillage législatif, le texte a été retardé, au point de risquer de télescoper la campagne des municipales, où la ministre, candidate à la mairie de Paris, aimerait se prévaloir d’un succès sur un projet qui lui tient à cœur.
L’urgence de cette réforme peine d’ailleurs à convaincre puisque son adoption est présentée comme le seul moyen d’échapper au déclin et à la désaffection de l’audience. La ministre est convaincue de la baisse des parts de marché chez les jeunes et les classes populaires, qui se tourneraient vers d’autres modes de consommation. Les auditeurs et téléspectateurs du service public seraient surtout des personnes âgées issues des Catégories socioprofessionnelles plus. Le rapport commandé à Laurence Bloch, ex-patronne de France Inter, par Rachida Dati, va bien dans ce sens. Mais il est contredit par une étude de Médiamétrie, qui montre une progression importante des moins de 25 ans depuis 10 ans dans le groupe Radio France. Une indication négligée par la ministre, qui aime à rappeler ses origines modestes, et accuse volontiers ses détracteurs d’ignorer la classe populaire, dont elle s’est empressée de sortir. L’objectif évident de cette holding sera de faire des économies d’échelle pour dépenser toujours moins en évitant les doublons éventuels et en réduisant les budgets. Une menace existentielle qui a conduit l’ensemble des organisations syndicales représentatives à déclencher une grève illimitée pour montrer leur mécontentement et leur détermination.
Outre les objectifs financiers, la holding permettrait un contrôle renforcé du contenu éditorial visant à réduire l’indépendance des intervenants à l’antenne. Certains estiment que la holding serait une étape vers la fusion évoquée par le candidat Macron en 2017, un retour à une certaine forme incarnée par l’ORTF en son temps. La présidente de France Télévision, Delphine Ernotte, pressentie pour diriger la future holding, a d’ailleurs pris soin de faire savoir, à toutes fins utiles, le degré de préparation de l’entreprise à se transformer en holding, voire à fusionner, en cas de besoin. Le temps est révolu où les rédactions prenaient leurs instructions directement auprès du ministère de l’Information, mais il ne faudrait pas grand-chose pour que des politiques tels que Rachida Dati cèdent à la tentation d’utiliser leur fonction et leur statut pour tenter d’influencer les médias, comme on l’a vue faire récemment vis-à-vis de Patrick Cohen et Anne-Élisabeth Lemoine.