
Comparaison n’est pas raison
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 7 mars 2025 11:08
- Écrit par Claude Séné

Le chroniqueur de RTL et de Quotidien, Jean-Michel Aphatie, qui commentait une déclaration du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, répondant au discours du président Macron en le comparant à Napoléon et à Hitler qui se sont tous les deux cassé les dents en voulant conquérir la Russie, a pu paraître sibyllin à ceux qui auraient raté une déclaration précédente du journaliste. Lors d’un débat sur RTL, Jean-Michel Aphatie avait rappelé que la France, qui dénonce à juste titre le massacre d’Oradour sur Glane il y a plus de 80 ans, s’était elle-même mal comportée au 19e siècle au moment de la conquête du Maghreb.
Bien que ce fait soit avéré par beaucoup d’historiens, et parfaitement documenté, cette affirmation a valu au chroniqueur l’indignation des ténors de la droite et de l’extrême droite, relayés par les médias qui appartiennent au groupe Bolloré, et il a écopé d’une sanction sous la forme d’une mise à l’écart temporaire de l’antenne de RTL. Je vous rassure, Jean-Michel Aphatie s’en remettra, mais la liberté d’expression dont se gargarisent les polémistes uniquement quand ça les arrange en a pris un nouveau coup. On peut y voir un nouvel avatar de ce que l’on a coutume d’appeler « le point Godwin », du nom de ce théoricien qui mesurait le temps nécessaire à un débat de faire une comparaison avec le nazisme ou Hitler pour discréditer l’adversaire. La Russie fait régulièrement appel aux guerres napoléoniennes pour resserrer les rangs, en « oubliant » volontairement que c’est le général Hiver qui a fait le gros du travail. Quant à la guerre patriotique contre Hitler, Staline a pris son temps pour décider du camp du Bien et celui du Mal. Il est vrai qu’il ne donnait guère l’exemple, et que Poutine semble l’avoir pris pour modèle.
Le passé colonial de la France n’est malheureusement pas sujet à discussion, et il remonte suffisamment haut pour ne pas être contesté. La conquête de l’Algérie commence en 1830, bien avant la montée du nazisme, et son indépendance est scellée par les accords d’Évian en 1962. Plus d’un siècle de colonialisme, dont notre mémoire collective n’a retenu que la dernière partie. Certains se sont livrés à une comptabilité sordide en évaluant les « bienfaits » apportés par la puissance occupante, au prix de la perte des libertés fondamentales et de l’inégalité entre les Français métropolitains et les Français d’origine indigène, comme on le disait à cette époque. Le seul reproche que l’on pourrait faire à Jean-Michel Aphatie, dont je ne partage pas nécessairement tous les points de vue, c’est de prêter le flanc à la critique et d’offrir un boulevard à ses contradicteurs en invoquant sans nécessité le nazisme dans le débat des relations franco-algériennes. Le passé colonial continue de le polluer, et c’est lui que l’on devrait purger en reconnaissant nos erreurs pour repartir sur de nouvelles bases.