La journée des dupes

Je ne serai jamais assez reconnaissant envers nos politiques de m’obliger à rafraîchir des souvenirs incertains concernant l’histoire de notre beau pays. Après de nouveaux rebondissements dans la campagne impossible de François Fillon, l’expression qui m’est revenue en mémoire est cette fameuse « journée des dupes », à laquelle me font penser les évènements récents dans le camp de la droite. Comme son modèle, la journée des dupes de 2017 s’est déroulée sur plusieurs jours, à l’issue desquels tel est pris qui croyait prendre.

Le 10 novembre 1630, la reine mère, Marie de Médicis, réclame et obtient la tête du Cardinal de Richelieu, auprès de son fils, le roi Louis XIII, parce qu’elle est en désaccord avec les projets d’alliance du « ministre principal ». Les courtisans, au premier rang desquels on compte le parti dévot, s’empressent de se réjouir et de se féliciter de la victoire de leur camp. Mais le lendemain, Richelieu prend l’initiative, essaie d’obtenir l’annulation de sa disgrâce auprès de la reine et finit par convaincre le roi de lui conserver sa confiance, ce qui entraîne la destitution du garde des Sceaux puis l’exil de la reine mère ainsi que plusieurs opposants. Comparaison n’est pas raison et l’histoire ne repasse jamais les plats, mais essayons de démêler les similitudes dans ces deux situations. À l’évidence, François Fillon a joué les Richelieu, en utilisant sa position de candidat légitime disposant de tous les leviers, les finances et le parti. Il a imposé sa présence en démontrant qu’il était au centre du jeu et qu’il était le seul à pouvoir décider de son retrait, forçant Alain Juppé à renoncer.

Les centaines d’élus qui ont déjà quitté le navire, sans esprit de retour, correspondent aux membres de la cabale contraints à l’exil, mais qui espèrent bien tenir un jour leur revanche, dans le cas, probable, où leur ex-poulain ne franchirait pas la barre du premier tour. Eux, jouent déjà le coup d’après, celui des législatives et s’il le faut, la reconquête du pouvoir en commençant par celle du parti, mis au service du candidat pour le moment. Les véritables dupes de cette journée, ce ne sont pas les cadres de la droite qui ont joué et perdu contre leur représentant embourbé dans les affaires, ce sont leurs électeurs, à qui l’on fait croire que Fillon est le seul rempart possible contre une extrême droite qui fait de moins en moins figure d’épouvantail. Ce noyau dur est prêt à voter pour n’importe quel candidat qui soutiendra les valeurs traditionnelles, fut-il convaincu des pires crimes. Ils ne veulent pas être spoliés de leur victoire annoncée, sans se rendre compte que le voleur présumé est à leur tête.