À boire et à manger

Le point commun entre un fait-divers et une auberge espagnole, c’est que l’on peut généralement y trouver précisément ce qu’on y a amené. J’en veux pour preuve ce dramatique décès d’un adolescent de 15 ans à Châteauroux suite à une altercation avec un autre jeune du même âge, survenu samedi dernier. Déjà, ma propre présentation des faits, même si elle se veut la moins orientée possible, ne peut pas échapper à une certaine subjectivité. J’ai conscience de braquer le projecteur sur deux faits, importants certes, celui de la jeunesse des personnes concernées, et de la localisation plutôt symbolique d’une France profonde perçue traditionnellement comme tranquille.

Après un titre de cette nature, vous seriez en droit de vous attendre à un discours sur le thème du « tout fout le camp » avec la déploration de « l’ensauvagement » de la jeunesse et la disparition de la quiétude même dans les quartiers ou les zones réputées sans histoires. Lorsqu’on lit la presse nationale ou régionale, la présentation des évènements est d’ailleurs assez variée, et se met au service d’une ou plusieurs thèses, implicites ou explicites, selon les personnalités interviewées ou les lignes éditoriales des médias concernés. Les âges du meurtrier présumé et de la victime sont naturellement l’occasion pour beaucoup de dénoncer un supposé laxisme, tantôt des parents qui seraient démissionnaires, tantôt de la justice, pas assez sévère à leur goût, ou de la société tout entière trop indulgente avec les délinquants quel que soit leur âge. C’est l’occasion rêvée de remettre en cause l’ordonnance de 1945 jugée trop peu punitive et son excuse de minorité allégeant de moitié la peine encourue par les mineurs. Parmi les vieilles lunes figure en bonne place la réactivation du couvre-feu, comme si un tel drame, survenu en journée, aurait pu être évité de la sorte.

Au passage, il faut noter que la mère du suspect a également été placée en garde à vue, laissant entendre une présomption de négligence éducative, voire pire. Ira-t-on jusqu’à lui enlever les allocations familiales comme le suggèrent certains ? Alors, évidemment, le pire est à venir, puisque l’agresseur présumé est de nationalité afghane. Même si aucune motivation liée à l’ethnie ou à la religion n’est établie à ce stade, et bien que la famille semble être en situation régulière, il n’en faut pas plus pour que se déchaînent le racisme et la xénophobie ordinaires. Et ne voilà-t-il pas que l’on découvre que le meurtrier présumé était déjà « connu défavorablement des services de police » pour des faits de vol avec violence, et qu’il avait été seulement placé sous contrôle judiciaire. Inutile de vous dire que le syndicat de policiers Alliance en profite pour réclamer plus de sanctions comme si l’on pouvait enfermer tous les jeunes susceptibles de passer à l’acte. Je vous laisse le choix de passer à table selon vos propres critères, en espérant ne pas vous avoir coupé l’appétit.