Il faut dire la vérité aux Français

La phrase est d’Emmanuel Macron, fraîchement réélu à la tête de la République française, en réponse à une question sur les retraites. Je lui réponds « chiche ! », tout en sachant que nous ne serons sans doute pas d’accord sur la vérité qui serait bonne à dire. Car, pour résumer son point de vue, le président Macron se contente de poser une équation selon laquelle il suffirait de poser d’un côté les pensions à verser, et de l’autre les cotisations des actifs et de les relier avec le signe égal, l’ajustement se faisant sur la durée du temps de travail, 64 ou 65 ans, selon ses calculs, et la résistance des Français.

Or, le postulat de départ repose sur un déficit passager du régime des retraites, mesuré par le COR, le conseil d’orientation des retraites, qui se résorberait de lui-même avec la pente actuelle des dépenses et des recettes dans un avenir assez proche, sans modifier la durée de la carrière nécessaire pour un départ à taux plein. Rien n’empêcherait l’état de lisser cette différence en avançant la valeur du déficit et en se remboursant par la suite. En somme, ni plus ni moins qu’une forme de redistribution comparable à ce qu’il fait déjà avec les impôts et les taxes. Emmanuel Macron a été moins regardant avec les ressources de l’État quand il s’est agi de supprimer l’ISF pour faire plaisir à ses amis. Pour faire passer la pilule, Emmanuel Macron annonce son intention de porter à 1100 euros mensuels la retraite minimale à taux plein. C’est un chiffre rond, qui sera vite obsolète si l’inflation continue de galoper et que l’indexation automatique est mise en place, sur les pensions comme sur les salaires, ridiculement bas pour certaines catégories de la population. Tout le monde voit bien que dans ce problème comme dans d’autres, le plus crucial est de rattraper autant que faire se peut les injustices sociales.

C’est bien la question du pouvoir d’achat qui intéresse prioritairement les Français auxquels le président veut dire sa vérité, qu’il voudrait faire passer comme absolue et indiscutable. Personnellement, je crois qu’il a une ou plusieurs idées derrière la tête, notamment celle de faire financer la prise en charge de la dépendance par ce régime des retraites. Il a donc tout intérêt, de son point de vue, à rendre ce régime excédentaire, pour compenser en partie la croissance prévisible des dépenses liées au grand âge. Les scandales récents de mauvais traitements dans les EHPAD montrent qu’il s’agit là d’une bombe à retardement, qui risque de nous exploser en pleine figure si rien n’est anticipé, et peut-être plus tôt qu’on pourrait l’imaginer. Cette réforme des retraites, moins ambitieuse que la première qui s’est heurtée à une opposition frontale, sera sans doute enclenchée dès le début du nouveau quinquennat, et dans ce cas, ça passe ou ça casse.