
L’art du contrepied
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 10 septembre 2025 11:15
- Écrit par Claude Séné

C’est l’exercice que préfère visiblement le Président de la République, qui ne déteste rien tant que de se voir imposer un agenda. On lui prédisait des recherches longues et difficiles pour trouver un successeur à François Bayrou, contraint à la démission par une stratégie suicidaire. Les plus fins observateurs de la vie politique se demandaient où Emmanuel Macron allait trouver le mouton à cinq pattes, l’homme providentiel capable de se faire accepter par des forces contradictoires, et accessoirement de ne pas lui faire de l’ombre. Si la chose avait été possible, le meilleur candidat à ses yeux n’aurait été autre que… lui-même ! à défaut, il a choisi Sébastien Lecornu, dont le nom est revenu régulièrement à chaque changement de Premier ministre.
Et la décision a été annoncée en quelques heures afin que la passation des pouvoirs soit très vite effective et que le nouveau Premier ministre commence ses consultations. Sébastien Lecornu pourrait reprendre à son compte la formule de François Bayrou dans les mêmes circonstances : « enfin, les ennuis commencent ! », mais sans la moindre trace d’humour et de second degré. En effet, le nouveau Premier ministre appartient à la « famille » proche du président, autrefois connue sous le nom de « ensemble », ou Renaissance, mais qui sont si peu, ensemble, que les sondeurs sont obligés d’y ajouter les « cousins » du Modem ou d’Horizons, pour en faire un groupe présentable constituant un « bloc central », qu’il a fallu élargir aux Républicains pour en faire « un socle commun », sans toutefois parvenir à une véritable « plateforme de gouvernement ». En effet, si les états-majors se rapprochent, les effectifs fondent comme neige au soleil au point de pouvoir bientôt tenir les réunions au sommet dans une cabine téléphonique.
Que ce soit avec l’Assemblée actuelle, ou celle qui sortirait d’élections législatives anticipées, le Premier ministre ne disposerait pas d’une majorité suffisante pour faire adopter un budget, pierre de touche de la politique menée par Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir. Il va donc devoir tenter d’obtenir ce sur quoi ses prédécesseurs ont buté, un accord de non-censure avec au moins un groupe d’opposition, moyennant des concessions d’importance, sans faire fuir ses soutiens traditionnels. Sébastien Lecornu a beau bénéficier d’une réputation de fin négociateur, la mission s’annonce très délicate sinon impossible. Sondages après sondages, les intentions de vote des Français confirment la percée du Rassemblement National, et un éparpillement des suffrages dans les autres formations politiques, en fonction des stratégies d’union ou de désunion des forces en présence. Le gouvernement ne devrait être connu qu’après ces tractations, et il faut craindre le maintien des ministres les plus réactionnaires des Républicains, en particulier Bruno Retailleau, qui joue placé dans la course à l’Élysée.
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