Une fausse bonne idée ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 9 juin 2016 10:24
- Écrit par Claude Séné
La première fois que j’ai entendu avancer l’idée de créer un revenu de base inconditionnel, j’avoue que j’ai été séduit. Chaque personne aurait droit de percevoir une certaine somme de l’état chaque mois, sans condition de ressources, qu’elle travaille ou non, et pour toute son existence. Cette allocation se substituerait à toutes les aides déjà existantes comme le RSA ou les allocations chômage et garantirait à chaque citoyen de disposer d’un revenu suffisant pour vivre décemment, à charge pour lui de compléter par un salaire ou le fruit de son travail pour se payer le supplément.
En contrepartie, tout le monde paierait l’impôt sur ses revenus réels, incluant la fameuse prime. Les plus pauvres la toucheraient et elle se déduirait des impôts des plus aisés. Le système a l’avantage d’être clair, simple, et semble permettre l’éradication de la misère. Et pourtant, les Suisses, qui étaient appelés à se prononcer sur cette proposition par une votation citoyenne, l’ont rejetée à plus de 75 %. Les promoteurs de cette initiative populaire, permise par la constitution helvétique, avaient proposé un financement par le biais d’une taxe de 0,2 % sur les transactions électroniques, qui aurait même généré un excédent de recettes. Il y a probablement eu une réaction de rejet due au sentiment confus de payer pour les autres, de se priver d’une part, même minime, des revenus que l’on a acquis personnellement, tandis que l’on permettrait à d’autres personnes de vivre sans travailler. Un réflexe identitaire, en quelque sorte, dont les Suisses ont déjà fait preuve dans le passé en instaurant des quotas d’immigration.
Vous imaginez bien que mes réserves sur ce revenu de base inconditionnel ne sont pas de cette nature. Notre système de protection sociale, bien que parmi les plus généreux du monde, laisse sur le côté nombre de nos concitoyens. Cette nouvelle disposition leur assurerait la subsistance, mais ne toucherait en rien les profondes inégalités de notre société. Les personnes qui ne travaillent pas continueraient à représenter un volant de main-d’œuvre disponible, tendant à tirer les salaires vers le bas, bonne conscience en plus. Ce n’est pas un hasard si les promoteurs de cette idée en France sont pour une bonne part les tenants d’un libéralisme débridé. Il s’agit pour eux de se débarrasser définitivement et une bonne fois pour toutes du fardeau de la protection sociale. Une fois distribué cet os à ronger, que les pauvres nous fichent la paix et nous laissent nous enrichir librement ! La discussion aura cependant eu l’immense mérite de démontrer que l’argent est là, à portée de main, et qu’il n’y a plus qu’à créer une volonté politique pour l’utiliser intelligemment.