Ennui

C’est une émotion, non un sentiment, qui donne une impression de vide, de lassitude, causée par le désœuvrement, une occupation monotone ou sans intérêt, elle engendre la mélancolie, le cafard, voire la neurasthénie, et peut mener jusqu’à la dépression. C’est une lassitude morale qui fait qu’on ne prend d’intérêt ni de plaisir à rien.

Si l’ennui est transitif, c’est-à-dire tant que quelqu’un ou quelque chose m’ennuie, je peux me prémunir, me défendre, me réfugier ailleurs. Lorsque je m’ennuie, je n’ai nulle part où aller ! L’ennui c’est un vide à remplir, le manque d’objet produit abattement, lassitude, ce devrait être l’impatience, la recherche de ce qui pourrait convenir à un désir insistant, car non satisfait, or dans l’ennui on n’a rien ou ne veut rien, on ne peut même pas rechercher. Celui qui s’ennuie est immobile dans un repos forcé, tout est advenu, il n’y a plus rien en réserve, on a du mal à tromper l’ennui, les activités superficielles brandies comme des planches de secours sur le vide confortent la sensation de vide.

« Rien n’est si insupportable à l’homme, que d’être dans un plein repos, sans passion, sans affaires, sans divertissements, sans application, il sent alors son néant, son insuffisance, son impuissance, son vide » Blaise Pascal (pensées) 

 Quand je désire ce que je n’ai pas, c’est la souffrance, quand j’ai ce que je veux je ne désire plus, plus de souffrance, mais ce n’est ni le bonheur ni le malheur, c’est l’ennui !

 L’ennui est souffrance, l’homme qui fuit l’ennui veut fuir cette évidence, alors il se met en mouvement, origine de la sociabilité et principe de nos divertissements.

L’ennui a toujours existé, c’est devenu un phénomène central depuis le romantisme, illustré par Madame Bovary, et pour nos contemporains c’est une maladie chronique de la modernité, il y a un impératif, éviter de s’ennuyer, pour cela on développe l’industrie des loisirs et du divertissement. Pourquoi craignions-nous le silence, le désœuvrement, la solitude ?

Schopenhauer propose une réponse, tout vivant lutte contre une mort inexorable, « la vie oscille, comme un pendule de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui ».

L’ennui nous libère de nos illusions, il nous révèle l’infinie vacuité de l’être, il manifeste qu’en réalité la vie ne vaut rien, notre résistance est mise à nu en ne nous proposant plus rien à désirer. Celui qui s’ennuie acquiert une forme de sagesse.

S’ennuyer, c’est une forme d’action sur soi, un rapport à soi-même… « L’ennui est une mauvaise herbe, mais aussi une épice qui fait digérer bien des choses » Alain… Il nous permet de prendre de la distance, de nous détacher de notre corps, de notre environnement, de réfléchir sur nous-mêmes, de faire appel à nos ressources personnelles, de développer notre imaginaire. Mais celui qui n’a point de ressource en lui-même, l’ennui le guette et bientôt le tient !

Si l’ennui vient de ce que le désir est empêché de trouver son objet et sa satisfaction, ou comme le dit Schopenhauer, le fruit d’une satisfaction trop longue, pour sortir de l’état où on le laisse s’installer, les démarches sont nombreuses, prendre l’air, aider les autres, bricoler, faire de la couture, dessiner, faire de la photo… autant d’actions qui peuvent créer des désirs permettant d’oublier l’absurdité de la vie dans une illusion de bonheur !

L’invitée du dimanche