Fin de partie pour les paysans ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 5 février 2024 11:14
- Écrit par Claude Séné
Les gouvernants, du moins ceux qui sont déjà en poste en attendant les renforts qui tardent à arriver, peuvent-ils considérer que le plus dur est passé, grâce aux mots d’ordre des syndicats majoritaires qui ont appelé à la levée des barrages routiers ? Il semble que oui, mais si l’incendie est désormais sous contrôle, les braises du mécontentement ne sont toujours pas refroidies et le moindre coup de vent pourrait faire repartir un mouvement, dont les principales revendications restent soumises aux aléas de la conjoncture, nationale, mais aussi européenne, avec la politique agricole commune et les négociations internationales sur le Mercosur, toujours en stand-by.
Ce qui plaide pour un retour au statu quo antérieur, c’est la présence de Michel-Édouard Leclerc dans les médias, lui qui s’était fait discret pendant la phase aigüe du conflit. La situation de la paysannerie en France se caractérise par une surreprésentation du syndicat majoritaire, la FNSEA, alliée aux Jeunes agriculteurs, qui lui assure le contrôle total des chambres d’agriculture où ils détiennent une majorité absolue que peut leur envier Emmanuel Macron. Depuis les années 60, ce syndicat a assuré la co-gestion du secteur agricole avec les gouvernements successifs, surtout ceux qui émanaient de la droite de gouvernement. Les décisions qui sont alors prises reflètent les orientations de la FNSEA, favorable à un modèle productiviste, essentiellement profitable aux grosses exploitations. Le président actuel, Arnaud Rousseau en est un parfait exemple avec sa ferme céréalière de plus de 700 hectares. Il préside également le groupe Avril qui pourrait bénéficier du développement de l’agrocarburant, ce qui explique la neutralité bienveillante du syndicat sur les projets gouvernementaux jusqu’à l’embrasement récent que personne n’avait vu venir.
La presque totalité des familles françaises compte au moins un agriculteur dans ses aïeux plus ou moins proches. Cependant, le nombre de paysans n’a cessé de décliner, passant de 2 millions et demi en 1955, à moins de 500 000 de nos jours. Ce décalage entre le poids symbolique resté très important de cette catégorie sociale et le poids électoral réel d’une population qui s’amenuise, crée des frustrations et menace la survie des plus fragiles, que ce soit individuellement avec des suicides dramatiques, ou collectivement avec une crise des vocations aboutissant à la concentration et l’agrandissement des exploitations existantes. Dans ces mutations profondes de notre société, le mouvement syndical ne joue pas pleinement son rôle, du fait de la primauté des intérêts particuliers et des ambitions personnelles. Sur l’échiquier politique, les concurrents de la FNSEA se situent à sa droite, voire à l’extrême droite, pour la Coordination rurale, légèrement plus à gauche pour la Confédération paysanne. Seul le Modef, proche du Parti communiste, s’oppose clairement aux orientations de la FNSEA, mais il ne « pèse » que 1,3 % aux élections professionnelles. Bien peu par rapport aux 212 000 adhérents de l’alliance FNSEA-JA.