Hécatombe
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 2 février 2024 11:12
- Écrit par Claude Séné
Vous vous souvenez de la chanson de Brassens et de la bagarre homérique du marché de Brive-la-Gaillarde à propos de bottes d’oignon, où les protagonistes se réconcilient sur le dos des gendarmes qui essayent de rétablir le calme et l’ordre. Le gouvernement a tenté le coup et l’a partiellement réussi, en détournant la colère légitime des paysans, initialement axée contre la bureaucratie et l’inertie des services de l’état pour leur garantir un revenu décent, sur ceux qu’ils considèrent à tort comme leurs ennemis héréditaires : les écologistes. Parmi les mesures qui semblent avoir décidé les syndicats agricoles les plus conciliants à appeler à lever les barrages, deux au moins vont dans ce sens.
La première c’est la pause demandée et obtenue du plan de réduction d’usage des pesticides, dit « écophyto » lancé en 2008 et qui se donnait pour objectif une réduction des pesticides de 50 % à l’horizon 2030. Les agriculteurs de la FNSEA, au lieu de demander que les autres pays s’alignent sur un comportement plus vertueux en France que dans certains pays concurrents, réclament le droit à subir eux aussi la pollution responsable de nombreux cancers, et dont ils sont les premières victimes, du fait de leur exposition quasi permanente. La communauté scientifique a démontré la nocivité de ces produits, et la justice a reconnu le préjudice subi par les utilisateurs du fameux Roundup. Le prétexte invoqué pour prolonger indéfiniment les dérogations réside dans les instruments de mesure qui ne seraient pas fiables. Une parfaite illustration de la métaphore du thermomètre que l’on casse pour faire tomber la fièvre. Pour certains agriculteurs, il suffit qu’une mesure soit soutenue par les défenseurs de l’environnement pour qu’ils s’y opposent, préférant les discours conciliants du Rassemblement national qui vont dans le sens du poil, au gré des évènements.
Un autre cheval de bataille sur lequel le gouvernement a lâché du lest, c’est celui de l’obligation de jachère exigée par Bruxelles pour obtenir les aides de la Politique agricole commune (PAC). Le principe en est connu depuis fort longtemps et faisait partie d’une stratégie permettant aux sols cultivables de se reposer, de se régénérer naturellement et donc de ne pas épuiser la ressource. Associée à l’assolement triennal, la rotation des cultures sur les différentes parcelles, elle a permis la rationalisation de l’agriculture. Mais elle a un grave défaut aux yeux de certains, c’est de s’opposer à un modèle ultra productiviste, où le moindre centiare cultivable doit être exploité, ce qui justifie au passage la destruction catastrophique des haies dans certains paysages au nom d’un gain minuscule immédiat au détriment de la vision à moyen ou long terme. Bien entendu, ce sont les exploitations les plus étendues, celles qui bénéficient le plus de la PAC, qui ont intérêt à la suppression des 4 % de jachères exigées par la Commission européenne. Les petits exploitants risquent d’être, encore et toujours, les dindons de la farce.