Madame Falampin

Autrefois, on reconnaissait les campagnes gouvernementales en faveur de telle ou telle grande cause nationale au premier coup d’œil. Elles se distinguaient des spots commerciaux par leur manque d’inventivité probablement dû à la maigreur des budgets qui leur étaient alloués. Mais ce temps est révolu, et l’on voit désormais fleurir des clips promotionnels que rien ou presque ne permet de distinguer des autres publicités. C’est ainsi que nous avons fait la connaissance l’été dernier de madame Falampin, qui devait subir une intervention chirurgicale de l’humérus, malencontreusement fracturé. Et la chirurgienne qui va l’opérer n’est autre que Sonia, une de ses anciennes élèves, qui a donc réussi professionnellement grâce à elle.

Et le slogan de conclure : « un professeur, ça change la vie pour toute la vie ! » Inexplicablement, et bien que le clip soit plutôt réussi, dans un style très proche des séries qui ont le vent en poupe depuis quelque temps, il est resté environ mille places vacantes sur les 8 000 postes d’enseignants à pourvoir à la rentrée, rien que pour le primaire. De la même façon, les concours pour devenir prof ne font pas le plein, et il a donc fallu battre le rappel pour inciter les étudiants à choisir cette voie qui a perdu beaucoup de son attractivité. J’ai donc entendu, comme vous peut-être, ce dialogue surréaliste entre deux étudiants en master, parlant d’un métier qui n’existe pas, où la créativité et l’inventivité sont les maîtres mots, qui permettent un développement harmonieux des adolescents, tout en apportant à celui ou celle qui le pratique la fierté de se sentir reconnu et de travailler en équipe. Bon, on n’ose quand même pas prétendre que c’est bien rémunéré, mais c’est tout juste.

Cela m’a rappelé une analyse déjà ancienne d’un spot destiné à promouvoir une célèbre marque de café soluble. La grande leçon consistait à se rendre compte qu’il était inutile de vanter la qualité principale de ce type de produit, sa rapidité de préparation, puisque tout un chacun la voit et la connait. Toute la campagne consistait à mettre en valeur l’excellence du goût de ce café que l’on imaginait surpasser largement celle d’un café fraîchement torréfié, moulu à la demande pour préserver ses arômes, et dégusté au terme d’un processus digne des connaisseurs les plus fins. Autrement dit, oublions la réalité, et vendons du rêve. C’est dans le même esprit qu’il faut apprécier les autres campagnes gouvernementales. Par exemple, les jeunes gens sont incités à s’engager, dans tous les sens du terme, dans l’armée, afin de, je cite : « rester en alerte, savoir anticiper, préparer l’action… » j’en passe et des moins évocatrices de la réalité de la guerre. Ou encore, une autre parmi mes préférées, « soyez au cœur de la Justice, devenez surveillant pénitentiaire ». Rideau !

Commentaires  

#1 jacotte 86 17-11-2023 13:17
quel talent!!!tu est en forme aujourd'hui
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