À la vie, à la mort
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 13 juillet 2018 10:37
- Écrit par Claude Séné
Je ne suis pas sur Facebook, ni sur aucun des réseaux que l’on a coutume d’appeler sociaux, ce qui m’a épargné l’inconvénient de devoir faire des démarches plus compliquées qu’il n’y paraît pour m’en désinscrire. J’ai bien conscience de nager à contre-courant dans un combat perdu depuis longtemps, mais l’expansion infinie d’un média comme Face-de-livre pose de nombreuses questions. Il y a quand même plus de 2 milliards de personnes qui se connectent au moins une fois par mois pour y échanger des informations passionnantes telles que le menu de leur repas d’anniversaire.
Quand un utilisateur s’inscrit, il ne se pose généralement pas la question du devenir de ces conversations plus ou moins intimes. La justice allemande a été saisie depuis 2012 d’une demande émanant des parents d’une jeune fille de 15 ans pour avoir accès au contenu du compte Facebook de l’adolescente. Pas de curiosité malsaine dans cette histoire, simplement le souhait de mieux comprendre les circonstances dans lesquelles la jeune fille a trouvé la mort sous une rame de métro et s’il s’agissait d’un suicide. D’un point de vue moral, technologie à part, c’est comparable à la découverte d’un journal intime, que l’on s’autorise, ou non, à lire. Du point de vue légal, se pose le problème de la propriété des informations contenues dans ce compte numérique. Au fournisseur de service ? Facebook, au nom de la confidentialité garantie à ses clients, revendique le droit de ne pas les communiquer. À la personne titulaire du compte ? Et dans ce cas font-elles partie de l’héritage et doit-on les remettre aux ayants droit ? Et quid des tiers impliqués dans les échanges, dont la vie privée peut être affectée ? Comme on le voit, on a affaire à un imbroglio judiciaire, et la décision du tribunal de Karlsruhe, favorable aux parents, pourrait faire jurisprudence.
Je suis également frappé par la duplicité et l’hypocrisie des grands groupes de l’Internet, ceux que l’on désigne généralement sous le nom de GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), qui se prétendent attachés viscéralement à la protection de leurs utilisateurs, au nom de laquelle ils refusent de leur communiquer leurs propres données, alors que dans le même temps, elles ont été convaincues de les avoir vendues à des commerçants. Autrement dit, l’utilisateur de ces « services », dont l’utilité paraît parfois contestable et qui jouissent d’une position dominante dont ils abusent autant qu’il est possible, est doublement roulé. Il « donne » de son plein gré, mais sans en avoir conscience, une masse d’informations personnelles le concernant, les fameuses « datas », et il ne peut les récupérer gratuitement que très difficilement, cependant que le fournisseur en tire d’énormes bénéfices sur lesquels il ne paye pratiquement aucun impôt.