Les risques du métier
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 10 février 2018 10:58
- Écrit par Claude Séné
J’avais décidé de faire l’impasse sur le sauvetage de l’alpiniste française, Élisabeth Revol, secourue par miracle pendant l’escalade du Nanga Parbat dans le massif de l’Himalaya le 26 janvier dernier. Ceux qui me lisent depuis un certain temps savent ce que je pense des aventuriers qui vouent leur vie à réaliser des exploits que personne ne leur demande d’accomplir et qui n’apportent généralement qu’une satisfaction personnelle. En l’occurrence, le défi consistait à gravir un sommet à plus de 8000 mètres, en plein hiver, et par la voie la plus difficile.
Dire que l’ascension tentée par la Française avec son compagnon de cordée polonais était risquée est un euphémisme. Ce sommet est surnommé à juste titre « la montagne tueuse » : 31 alpinistes y ont trouvé la mort avant la première escalade réussie en 1953. En tout, au moins 83 personnes ont péri dans ces différentes tentatives sur les quelques 3 ou 400 qui s’y sont risqués. À ce degré-là, il est difficile de parler de risque calculé. Ou alors d’une probabilité élevée d’y laisser sa peau, ou à tout le moins quelques orteils comme ce sera le cas d’Élisabeth Revol. Encore peut-elle se considérer comme chanceuse par rapport à Tomasz Mackiewicz, qu’elle a dû abandonner en chemin et qui est porté disparu. Non seulement ces alpinistes de l’extrême ont mis leur vie en grand danger, mais ils ont également amené certains de leurs collègues à prendre des risques énormes pour les secourir. Il a fallu réaliser un véritable exploit aux deux alpinistes qui ont porté secours à la Française et qui ont effectué une descente périlleuse en pleine nuit pour lui sauver la vie. Les véritables héros, pour moi, ce sont eux. Leur action a permis de préserver une existence, sans gloriole, mais avec la satisfaction du devoir accompli.
Les défenseurs de ces « conquérants de l’inutile » arguent du fait qu’il fallait bien secourir les alpinistes en perdition, quoi qu’il en coûte. Et ce n’est pas rien, en effet. Les frais du sauvetage s’élèvent à 75 000 euros. La Pologne a fait don des 43 000 euros dépensés, cependant que la France sera remboursée des 32 000 euros engagés grâce à une souscription volontaire de 157 000 euros recueillis sur Internet. Les 130 000 euros restants seront versés aux 3 enfants du disparu. Fort bien. Ce qui m’a poussé à aborder le sujet, c’est une déclaration de la Française, qui a fait part de sa colère du fait de la lenteur des secours. Elle pense que le Polonais aurait pu être sauvé sans l’incurie des services pakistanais, jamais prêts à faire décoller les hélicoptères et pratiquant une surenchère sur les tarifs. Sachant que l’alpiniste française n’attend que d’être rétablie pour repartir en expédition, je crois que l’on peut parler d’une forme d’inconscience inguérissable.
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